Participants
  • François-Xavier Féron (conférencier)
  • Benjamin Carat (violoncelle)

C’est dans temA (1968), relève Martin Kaltenecker, que s’opère définitivement chez Helmut Lachenmann, « le passage vers une autre esthétique, vers ce retournement fondamental qui consistera à déduire un système de différences non pas des paramètres d’un son, mais du geste qui le produit ». Composé en 1969-1970 et repris en 2010, Pression pour un(e) violoncelliste apparaît aujourd’hui comme un archétype de cette esthétique où il est question de rechercher des moments d’une perception modifiée en dévoilant l’aspect énergétique qui se cache derrière la production des sons. Cette partition essentiellement prescriptive signale, à l’aide de schémas et d’indications textuelles extrêmement précis, les actions que doit accomplir
l’interprète sur le violoncelle, dont chaque élément (cordes, chevalet, caisse de résonance, cordier…) est scruté méticuleusement afin d’en révéler le potentiel sonore.
Ces actions, concrétisées par des gestes plus ou moins complexes, donnent naissance à une grande variété de modes de jeux que nous nous proposons de classifier en nous inspirant des recherches de Claude Cadoz, pour qui le geste instrumental – celui qui implique un contact direct avec l’instrument – se décompose en gestes d’excitation, de modification et de sélection. Avec le violoncelliste Benjamin Carat, qui interprétera l’oeuvre dans son intégralité, nous verrons aussi comment les canons de la pratique instrumentale sont bouleversés à travers la réalisation d’une polyphonie de gestes-actions savamment élaborée par Lachenmann.

Composer (avec) le geste

La référence aux « gestes » est aujourd’hui revendiquée par de nombreux compositeurs. Ce peut être au sens du geste instrumental, que la technologie formalise, relaye ou augmente. Ce peut être de façon plus métaphorique, lorsque l’écriture se concentre sur les notions d’énergie, de profil ou de signification. La dimension gestuelle de la musique est ainsi devenue un enjeu esthétique et théorique essentiel de la création musicale récente. Ou plutôt elle l’est redevenue : car de nombreuses démarches des années 1960 et 1970 avaient préparé le terrain à travers des expérimentations sur la notation, les indications de jeu, l’improvisation instrumentale et l’invention de dispositifs technologiques. Redécouvrir ces répertoires parfois oubliés permet non seulement de mieux comprendre ce qui se cache derrière les esthétiques gestuelles d’aujourd’hui, mais aussi d’aiguiser notre perception des relations entre corps, écriture et instrument dans de nouvelles directions.
Many contemporary composers frequently refer to ‘gesture’ as a core conceptwithin their music. ‘Gesture’ has several meanings which are context-dependent: from instrumental gesture (and/in technology) to metaphores of ‘energy’, ‘shaping’ or ‘event’. The gestural dimension in music has become a key component of the current aesthetic and theoretical scene. However it would be fair to say that gesture has in fact returned to its earlier prominence. Various experiments in notation, playing techniques, improvisation and technology had already occurred in the 60s and 70s and might benefit from renewed scrutiny. Rediscovering past approaches to gesture may not only help us to understand some underlying assumptions in current music, but also to sharpen our vision of new directions in the exploration of the body-text-instrument nexus.

From the same archive

Introduction 23:42