Commandé par l'Université de Havard, le Trio à Cordes opus 45 fut composé au lendemain d'une longue et presque fatale maladie, du 20 août au 23 septembre 1946. C'est une œuvre en un seul mouvement (de dimensions assez vastes), subdivisée en trois parties principales et deux épisodes qui se situent, respectivement, entre la première et la seconde partie et entre la seconde et la troisième partie. On peut dire que la deuxième partie est une variation très poussée de la première, alors que la troisième partie constitue à la fois une reprise (très condensée) de la première partie et de certains éléments des épisodes, ce qui lui confère l'allure d'une synthèse de toute l'oeuvre. Il n'y a évidemment pas (par définition) de rapports motiviques ou thématiques entre les deux épisodes.
Du point de vue formel, par conséquent, le Trio accentue encore en les amplifiant — les préoccupations de l'Ode à Napoléon et du Concerto pour piano. C'est aussi l'une des pages les plus riches et les plus complexes de toute la musique de chambre. L'imagination de Schoenberg s'y déploie avec une extraordinaire liberté ; la profusion des idées est telle qu'on se demande comment elles peuvent « tenir » en un « espace » aussi réduit. Tout cela se traduit, sur le plan instrumental, par une écriture fouillée, d'une extrême difficulté d'exécution... Du point de vue sériel, le Trio introduit d'intéressantes innovations... L'étonnante nouveauté de cette œuvre, ainsi que son radicalisme absolu en font une étape importante sur la voie de l'athématisme.