Cette pièce repose presque entièrement sur les transformations successives d'un son grave (le ré dièse que l'on entend longuement au début), dont se développe progressivement le contenu harmonique.
La technique instrumentale utilise beaucoup le jeu sur les timbres, qui développent les harmoniques ou mettent en valeur une polyphonie au niveau des formes.
La pièce étant écrite à partir de « spectres », donc de fréquences non tempérées, les micro-intervalles sont utilisés de façon systématique, en particulier les quarts de ton. Les ondes Martenot se prêtent assez bien à ce type d'écriture, contrairement à la plupart des instruments classiques ou modernes.
On remarquera aussi l'emploi d'équivoques, d'ambiguïtés entre les divers modes de jeu (jeu au clavier-jeu au ruban, résonances des haut-parleurs-résonances jouées, etc.).
La pièce se veut une sorte « d'antidote » aux sonorités, souvent qualifiées de « sirupeuses », des ondes Martenot, et tente de traiter l'instrument pour ce qu'il est : un générateur instrumentalisé de sons électroniques.
Elle était aussi destinée à servir de pièce de démonstration à mon propre usage, pour les innombrables concerts-lectures et autres pre-concert talks que j'ai été amené à faire avec l'instrument. D'où d'assez grandes difficultés techniques, d'un type inusuel, qui effraient plus d'un « ondiste »...
Le titre est une allusion à la période de modernisme optimiste des années vingt-trente (période où sont apparus les ondes Martenot et d'autres instruments électroniques), où les artistes célébraient volontiers le triomphe des nouvelles découvertes (Delaunay, Léger, Dufy...).
Tristan Murail, éditions Lemoine.