Les dernières pièces mixtes que j’ai composées sont récentes et constituent The Lips Cycle que j’achèverai prochainement avec un dernier volet pour alto, harpe et électronique. Ce vaste projet m’a définitivement réconcilié avec l’électronique dans sa relation avec l’instrument acoustique. Il m’a permis de mener un véritable laboratoire de recherche autour de la technique instrumentale et, plus particulièrement, autour des techniques élargies pour la production du son en les mettant en lien avec l’informatique: le son riche, le son nouveau, le son surprenant l’est d’autant plus quand il est augmenté par la manipulation électroacoustique. Le lien entre la source instrumentale et son double altéré, modifié parfois jusqu’aux limites de son identité, se voit en réalité renforcé grâce à l’artifice qui nous transforme en authentiques luthiers à chaque fabrication sonore, à chaque avatar de l’instrument que nous avons métamorphosé… et ce jusqu’à la nouvelle incarnation que nous susciterons.
Sous cet angle, la composition de A Faraday Cage a présenté un véritable défi : le son du marimba étant à la fois particulièrement irrégulier et pré-visible, son attaque très présente et sa résonance assez courte selon les différents registres, ses capacités harmoniques sont restreintes par la technique de jeu avec quatre baguettes. Ces caractéristiques qui sont propres à l’instrument, je les ai vécues comme un conditionnement qui a déterminé les règles de jeu régissant une forme de prison sonore. L’image d’une cage enfermant l’instrument et son interprète, mais aussi ses auditeurs, m’est venue dès les débuts de la composition de la pièce. Une Cage de Faraday de laquelle rien n’échappe et dans laquelle tout tend à persister. Les sons qui y sont produits, les figures, les différentes strates rythmiques, les idées musicales et leurs transformations électroacoustiques, tracent alors un territoire sonore et discursif qui leur est propre, déterminant leur frontière et leur limite.
Cette espace sonore enferme un marimba et son double virtuel préalablement échantillonné, un interprète et son double électronique jouant des formulations rythmiques modélisées à l’aide de l’ordinateur et circulant dans la salle à l’aide de quatre enceintes entourant le public. Un double avatar pour réaliser une pièce mixte ou la question de la similitude, de la réflexion, de la répé- tition, du retour et de la transformation est une problématique naturellement centrale que je n’ai pas voulu éluder.
A Faraday Cage est dédiée à Laurent Mariusse.
Daniel D’Adamo
Note de programme du concert du 29 juin 2016 au Centquatre, dans le cadre du festival ManiFeste de l'Ircam.