datamatics fait partie d’un vaste projet artistique qui explore le potentiel de perception de la multi-substance invisible des données numé- riques (« data » en anglais) qui imprègnent notre monde. C’est une série d’expériences sous diverses formes – concerts audiovisuels, installations, publications et disques – qui aspirent à matérialiser ces données pures.
En les utilisant comme autant de sources sonores et visuelles, datamatics [ver. 1.0] mêle des représentations abstraites et mimétiques de la matière, du temps et de l’espace. Projetant un flux d’images générées par ordinateur, en noir et blanc avec de vives incises de couleurs, ces intenses et néanmoins minimalistes traductions graphiques de données évoluent dans de multiples directions. À des séquences 2D de motifs dérivés d’erreurs de disque dur et d’études de code informatique, succèdent des images qui se transforment en des vues tournoyantes en 3D de l’univers, jusqu’aux scènes finales, où des traitements mathématiques en quatre dimensions ouvrent des perspectives spectaculaires et apparemment infinies. Puissante et hypnotique, la bande-son reflète le processus affectant les images, via une stratification méticuleuse de ses composantes sonores, afin de générer des espaces acoustiques immenses et vraisemblablement illimités.
Remettant l’ouvrage sur le métier deux ans plus tard avec datamatics [ver. 2.0], conçue comme un concert audiovisuel à part entière, Ryoji Ikeda y ajoute une deuxième partie. Suivant les mêmes principes générateurs que le premier, ce second volet en déconstruit objectivement les éléments constitutifs – sons, visuels et jusqu’aux codes source – créant comme un « meta-datamatics». Usant de traitements en temps réel et de balayages de données, une nouvelle séquence se crée, qui gure comme une sur-abstraction de l’œuvre originale. Les dynamiques techniques de la pièce, à l’instar du nombre élevé d’images par seconde et de la variabilité des fréquences d’échantillonnage, continuent de défier en même temps que d’explorer les limites de nos perceptions.
Jérémie Szpirglas