Nachtstücke — pièces de la nuit : un titre qui n'est pas sans rappeler Schumann. Et l'œuvre oppose deux caractères, en un conflit peut-être insoluble, ou plutôt un conflit que l'on doit mettre en œuvre : l'espressivo et le mécanique. Mais ces deux caractères sont avant tout porteurs d'atmosphères. On prend le temps d'entendre le travail du son sur des échelles parfois non-tempérées : les quarts de ton de la flûte, ou les pizzicati entre le doigté et le sillet de la contrebasse qui créent un univers sonore proche du gamelan balinais. Des atmosphères qui font naître des associations visuelles et tactiles autant qu'auditives. Qu'il s'agisse de percevoir les clairs-obscurs, le chaud et le froid, la densité des surfaces sonores, l'énergie gestuelle portée par les lignes au caractère improvisé, ou l'organisation de l'espace en premiers plans, seconds plans, arrière-plans ou cadres, la musique de Michael Obst fait appel à la mobilité de l'imagination créatrice de l'auditeur.
Pour la création de l'œuvre par l'Ensemble Modern en 1990 à Francfort, le compositeur avait écrit le texte de présentation suivant :« (...) Il s'agissait avant tout pour moi de représenter diverses propriétés du langage musical. Les possibilités de ses différentes formes d'expression sont une composante essentielle de la pièce. La première partie présente des informations musicales semblables, de façon variée, en quatre sections structurellement ordonnées. Des motifs ou des groupes de motifs de vitesses différentes y sont constamment présents : un contrechant plus lent, le battement perpétuel d'un ostinato, ainsi qu'un accord statique à l'arrière-plan — tel un cadre pour les événements musicaux. Ces sections ne sont pas directionnelles, et n'ont pas de caractère de développement ; ce sont bien plutôt des images sonores qui se distinguent par leurs atmosphères différenciées. Ces quatre sections sont interrompues par deux soli instrumentaux contrastants — contrebasse et flûte — dans lesquels prédominent des gestes motiviques, une métrique libre et des développements musicaux conçus d'une façon assez large. Dans les trois sections de la seconde partie, les courbes qui sous-tendent le discours musical sont le plus souvent directionnelles. Dans la première et la troisième section, les groupes de motifs du début de la pièce sont placés dans un contexte déterminé par la métrique stricte d'un mouvement de basse circulaire ; ils reçoivent ainsi une qualité gestuelle nouvelle. Dans le solo de conga de la seconde section, un jeu d'échange riche en variations se développe entre les motifs rythmiques et le champ métriquement ordonné alentour (vibraphone). Au contraire, dans la dernière partie des Nachtstücke, toute coordination métrique des évènements musicaux est annulée. Des particules motiviques isolées des sections précédentes sont entourées de surfaces sonores apparemment statiques, dont l'épaisseur atmosphérique est soutenue par la clarté des percussions. » [traduit de l'allemand par Peter Szendy]
Les Nachtstücke se fondent sur une composition électronique intitulée Poèmes, réalisée en 1988 au Studio du Groupe de Musique expérimentale à Bourges.Diverses techniques de projection électroacoustique du son y sont utilisées. L'amplification des instruments crée une spatialité différente, tout en rendant perceptibles certains modes de jeu peu prégnants à l'audition. La flûte, la clarinette et la contrebasse subissent des transformations qui forment comme un « pont sonore » vers le trombone, les synthétiseurs et la percussion.
Peter Szendy, concert Denisov, le 24 février 1992, Centre Georges-Pompidou, Grande salle