Une vision.
Pour ce second quatuor à cordes, une vision, très forte, troublante, en fut l'étincelle, la source : un matin, juste au sortir d'un rêve, en mai 2006, j'entendais dans mon ouïe intérieure un climat-film sonore, une musique-visualisée où tout n'était que très large mouvement, voyage dans la vastitude, espaces dilatés, ciels, déserts, planètes, caroussels de galaxies en tourbillons.
Sensations de changement d'échelle du temps et de l'espace toujours dans le plus, le « encore plus », comme un arbre qui s'ouvre toujours et toujours vers plus de branches, de lignes générant des lignes, sans s'arrêter. L'âme?
Pourtant tout ce mouvement se passait dans le subtil, le léger, le fluide. Alors Tree to Soul, et le quatuor à cordes comme instrument idéal pour traduire cette vision.
Dans la partition tout est construit autour de la figure de la greffe, du germe qui modifie une matière d'écriture comme une étincelle de vie construit un arbre par des bifurcations infinies d'une branche qui glisse vers une autre branche. Beaucoup de nuances infimes, de larges lignes qui fusent vers le silence. Aussi un très grand soin est pris dans l'écriture des couleurs, des poids acoustiques de chacune des 4 cordes de chaque instrument. La répétition reliée à la nuance sont fondamentales ici.
Et j'ai voulu et écrit toute cette vastitude dans un temps de perception où l'on est très rarement débordé, où l'on a grande facilité à tout percevoir et par conséquent à « creuser le ciel », comme disait Charles Baudelaire.
Un dernier point : la salle de concert où est joué Tree to Soul devrait – dans la mesure du possible – avoir une réverbération naturelle assez importante. Dans le calme et le silence le plus bienfaisant, alors le son naît et croit, il se diffuse comme la sève dans l'arbre.
Philippe Schœller.