Contenus numériques consultables dans leur intégralité au sein de la Médiathèque de l'Ircam

Œuvre de
  • Märt-Matis Lill (compositeur)
Participants
  • Peter Rundel (direction)
  • Ensemble intercontemporain

Le titre Fleeting Dreams vient d’un haïku de Matsuo Basho :
The octopus trap Le piège de la pieuvre
Fleeting dreams Des rêves qui fuient
Under the summer moon Sous la lune d’été

Dans la poésie classique japonaise, le concept de rêve est de nature assez contradictoire. Il est souvent utilisé comme métaphore pour un état mental brouillé qui nous empêche de percevoir le monde avec clarté. D’autre part, le rêve peut représenter un lien avec les niveaux plus subtils de la perception qui nous permettent de surmonter les limites de la perception ordinaire. Ces deux possibilités, le rêve comme monde étroit et limité et le rêve comme monde magique, sont suggérées dans ce haïku par les symboles puissants de lune et de piège. Le piège représente l’état mental étroit et brouillé ; la lune, elle, est un symbole souvent utilisé par le bouddhisme pour signifier la subtilité et la profondeur de l’esprit éclairé.
En commençant cette pièce, ce double sens du rêve m’a beaucoup inspiré. Les concepts de limite et de liberté sont reflétés par un matériau de hauteur très limité et un large spectre de sons à hauteur indéterminée. La forme est donnée par un rythme à grande échelle, fondé sur l’alternance de séquences à hauteurs déterminées et indéterminées. La forme de chaque séquence est tracée par le piano et la harpe dans les séquences à hauteur déterminée et par la percussion dans les autres. Le caractère principal de la pièce est l’austérité et la simplicité, ce qui la rapproche d’un monde de rituel.
La structure du matériau sonore est fondée sur trois éléments qui sont fortement liés dans mon esprit à des états psychologiques. Le premier est paisible, calme et « rêveur » ; c’est une musique de bruissements, de chuchotements et de lenteur. Le deuxième pourrait s’appeler « rêve actif » ; la musique est plus énergique, faite de rythmes répétitifs, de trilles et d’effets de percussion. Le troisième élément pourrait s’appeler « rêve intense » ; c’est le monde sonore le plus bruyant, fort et irrégulier.
Ces trois éléments existent au niveau linéaire comme sur le plan vertical. Ils se reflètent aussi dans la forme générale qui est comme une séquence de ces trois états, et se termine par un petit rappel en forme de coda.