Contenus numériques consultables dans leur intégralité au sein de la Médiathèque de l'Ircam

Œuvre de
  • Mikel Urquiza (compositeur)
Participants
  • Agata Zubel (soprano)
  • Enno Poppe (direction)
  • Sylvain Cadars (ingénieur du son)
  • Ensemble MusikFabrik

Création française

Alfabet est d’abord le recueil inclassable de la poétesse danoise Inger Christensen, paru en 1981, puis traduit et apprécié en plusieurs langues. C’est indéniablement un recueil sur l’alphabet – chaque poème emploie préférablement des mots qui commencent par une lettre précise – mais, plus concrètement, c’est un recueil sur la capacité génératrice de l’alphabet, la possibilité qu’il donne de nommer, et donc de faire naître. Cette idée génératrice, Christensen l’illustre par la forme (les poèmes ne sont, au début, qu’une liste de ce qui existe) ; par le vocabulaire (plantes, animaux, éléments chimiques) et par l’emploi de la série de Fibonacci (où chaque élément est égal à la somme des deux précédentes: 1,1,2,3,5,8,13...) pour calculer la longueur des poèmes.
Pour montrer l’évolution dans l’écriture de Christensen, j’ai choisi des poèmes séparés: les trois premiers, qui illustrent le principe alphabétique et la progression arithmétique ; le sixième, qui donne aux éléments un contexte ; le quatorzième, qui introduit les noms et les métaphores.
L’instrumentation des mouvements est fidèle à la logique d’accumulation christensenienne : abrikostræerne findes est pour voix seule, bregnerne findes pour voix et trompette, cikaderne findes pour voix, trompette et percussion, fiskehejren findes pour voix et clarinette (exception dans la logique croissante), navnene findes est un tutti. Le mouvement final, Barentshaven, est une liste de toponymes arrangée pour voix et percussion.
J’ai connu le recueil Alfabet dans l’édition bilingue de Ypsilon. C’est sublimement écrit en français, mais le lien étroit avec l’alphabet m’obligeait constamment à regarder l’écriture danoise, sur la page opposée. Cette langue inconnue de moi, à la sonorité mystérieuse et boréale (on entend les longues nuits d’hiver, les lapins sous les fougères, les fraises des bois), m’a tout de suite donné envie de dire les mots à voix haute, de dévoiler par le son le monde qu’ils cachent. J’ai eu beau essayer : en danois, comme dans toutes les autres langues, l’essence d’un mot reste indicible, son domaine interminable et son secret intact.
Mikel Urquiza

Ouverture

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