Lisa Streich Ă©tudie la composition et lâorgue Ă Berlin, Stockholm, Salzbourg, Paris et Cologne avec notamment Johannes Schöllhorn, Adriana Hölszky et Mauro Lanza. Elle assiste par la suite Ă des masterclasses de Chaya Czernowin, Hanspeter Kyburz et Beat Furrer. En 2011-2012, elle suit le Cursus de composition et dâinformatique musicale de lâIrcam. Elle est actuellement dĂ©tentrice dâune bourse de lâAcadĂ©mie norvĂ©gienne de musique dâOslo, oĂč elle est sous la supervision de Helmut Lachenmann.
LâĆuvre de Lisa Streich est parcourue par lâutilisation dâinstruments motorisĂ©s de sa propre invention : de fines bandes de papier sur des petits moteurs font vibrer les cordes du violoncelle dans PIETĂ et SAI BALLARE?, pincent ou frottent les cordes du piano dans LASTER et SAFRAN. LâidĂ©e lui est venue lors de son annĂ©e au Cursus de lâIrcam, en observant les sculptures motorisĂ©es de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely sur la place Stravinsky. Lâune des idĂ©es qui sous-tend cette dĂ©marche consiste Ă opposer une imaginaire brutal autour de la machine et dâen prendre le contrepied en incluant cette dimension machinique dans une crĂ©ation musicale raffinĂ©e.
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, lâĆuvre de Lisa Streich sâintĂ©resse aux contrastes, aux imperfections et aux irrĂ©gularitĂ©s. Ces contrastes se manifestent entre, par exemple, des passages calmes aux timbres fragiles et des incursions violentes, comme avec ces coups de fouet produits par les percussionnistes de SEGEL ou la densification sonore menant Ă la limite du cri dans REMEMORY â piĂšce inspirĂ©e du roman Beloved de Toni Morrison. SAI BALLARE? prend pour point de dĂ©part la danse sur fonds dâĂ©vĂ©nements atroces de deux soldats dans Les 120 jours de Sodome de Pasolini. Comme en tĂ©moignent ces deux piĂšces, la violence parcourt lâĆuvre de la compositrice, qui explore « lâidĂ©e de la douleur avec une duretĂ© presque physique, en tant quâexpĂ©rience humaine existentielle sans aucune enveloppe protectrice1 ». La dimension mĂ©taphysique de son catalogue â toujours mise en balance par une attention au quotidien et au banal â sâappuie fortement sur une pensĂ©e chrĂ©tienne, que laissent transparaitre ses inspirations musicales tant du cĂŽtĂ© des Ćuvres vocales sacrĂ©es que des textes, notamment lâAncien et le Nouveau Testament dans âŠMIT BRENNENDEM ĂLE, mais aussi avec les divers champs lexicaux de la verticalitĂ© et du ciel (HIMMEL, FLĂGEL, SEGEL, VOGEL. MEHR VOGEL (ALS ENGEL)) et de la religion (PIETĂ, CRĂCHE, AGNEL, STABAT, SERAPH). LâidĂ©e christologique du sacrifice y est prĂ©sente, traduite visuellement par ces instruments doucement fouettĂ©s par des moteurs.
Lisa Streich a notamment reçu des commandes du Festival de Lucerne, de la Philharmonie de Cologne, du ChĆur de la Radio suĂ©doise et de lâOrchestre symphonique de Gothenburg. Ses piĂšces ont Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©es entre autres par le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, lâOrchestre de la Radio suĂ©doise, Norrköping Symphony Orchestra, le Quatuor Diotima, lâensemble recherche, Musikfabrik, et lâOrchestre symphonique de Malmö Ă lâoccasion du 250e anniversaire de lâAcadĂ©mie royale de musique de SuĂšde.
Elle est laurĂ©ate de prix et de bourses dâexception tels que la bourse de la CitĂ© des arts de Paris, le prix dâorchestre du fonds dâAnne-Sophie Mutter, le Busoni Förderpreis de lâAcadĂ©mie des arts de Berlin, le prix Bernd Alois Zimmermann, le prix de Rome â Villa Massimo, le Prix compositeur de la fondation Ernst von Siemens, le prix Lilla Christ Johnson de lâAcadĂ©mie royale de musique de SuĂšde en 2021 et lâannĂ©e suivante le 35e prix Heidelberg pour les femmes artistes. En 2017-2018, elle est artiste en rĂ©sidence avec lâensemble recherche Ă Fribourg. Deux CD portraits lui sont consacrĂ©s, un chez Wergo en 2018 et un lâannĂ©e suivante chez Kairos. Ses Ćuvres sont publiĂ©es par Ricordi.
- Neue Musikzeitung, mai 2022.