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La musique a été ontologiquement renouvelée par la technologie d’enregistrement, ce fait remarquable a été dûment reconnu par la philosophie contemporaine, notamment par les théories de Theodore Gracyk ou de Roger Pouivet. Ces théories distinguent entre les œuvres musicales dont l’existence ne dépend pas de leur enregistrement, et les œuvres « phonographiques » qui, au contraire, n’existeraient pas sans l’enregistrement qui les a construites. Mais cette différence n’est peut-être pas si essentielle. Je défendrai une différence très différente. La phonographie ne désigne pas étroitement une catégorie d’œuvres, mais un nouvel état de l’expérience musicale, au sens où la physique parle des états solide, liquide et gazeux de la matière. Or, les états musicaux ne sont pas substantiels, ils entrent dans un système de transitions. L’enregistrement d’une œuvre notationnelle (état gazeux) ou d’un concert (état liquide) les fait changer d’état : il les « solidifie ». Et, réciproquement, une œuvre aussi solide qu’une « œuvre phonographique » est toujours en surfusion : elle conserve des gouttes d’événements, qui sont essentielles à son appréciation adéquate. Dans une telle reconception, la notion d’ « authenticité », appliquée à l’enregistrement musical, pourra-t-elle demeurer pertinente ?
23 novembre 2017 00:57:11
5 novembre 2024 00:56:04
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