Quelques figures président à l'écriture d'Embâcle. Je me les suis données a priori. Ce sont des accords répétés et enrichis d'un mouvement descendant souvent caché à l'intérieur, ce sont des arpèges croisés, brefs et construits sur des intervalles d'octaves, des échelles descendantes rapides, des figures rythmiques irrégulières à un tempo rapide et dans le registre grave, ce sont des sonorités frottées dans le piano faisant entendre sans aucune attaque aucune les résonances aigues des cordes. Tout cela est difficile à décrire et à rendre compte, mais a constitué, pourrait-on dire, mon imaginaire. De manière fragmentaire tout d'abord, il fut ensuite question de concevoir un cadre – comprendre une forme – au devenir de ces éléments, à leur dialogue et leur opposition, leurs devenirs.
Dans Embâcle, certaines notes graves du piano sont étouffées, privées ainsi de brillance, d'autres graves encore préparées à l'aide de morceaux de gomme en vue d'obtenir une résonance inattendue. L'idée de trouver – comprendre travailler à la manière d'un sculpteur – une qualité de résonance particulière a fortement motivé mes recherches et mon écoute. Le choix de l'octave comme intervalle et comme sonorité de référence va en ce sens d'un espace ouvert souhaité, un agrandissement.
Et puis, je ne sais pourquoi, je n'ai pu me départir, tout au long de l'écriture d'Embâcle, du chant du mouvement lent de la sonate en La majeur D 959 de Franz Schubert. Pourtant ce n'est guère là de mon usage, moi qui m'applique et tente de pièce en pièce de débusquer un monde où les scories du passé se regarderaient lointainement, sans méfiance aucune toutefois, seulement comme quelque chose ne pouvant être ayant été, une jeunesse.
Jérôme Combier, éditions Lemoine.