Dans En filigrane, l’électronique, fixée, tient à donner l’illusion du temps réel.
La musique étant rapide et rythmique, la texture se faisant dense, il serait difficile d’aller « pêcher » ici et là des petites interventions de chacun des quatre musiciens du Quatuor Tana et de les traiter en temps réel. La partie électronique est donc à la fois un prolongement instrumental mais aussi une forme organisée sur la base du micro-montage, les sons produits en studio étant volontairement courts et venant simplement iriser, colorer, spatialiser des événements qui donnent la clé de l’articulation formelle de la pièce.
Au contraire, en arrière-plan, en filigrane donc, une longue séquence — les premières mesures instrumentales de la pièce enregistrées préalablement — se fait entendre à trois reprises. Cet arrière-plan est audible ou non, couvert volontairement par le quatuor ou apparaissant seul, tel une matrice qui a fait naître le matériau de la pièce.
La musique est nerveuse, rythmique, et oscille entre l’idée de processus « objectif » identifiable et variation « subjective ». Hauteurs et modes de jeux y ont la même place mais prennent tour à tour le dessus, en fonction de la dramaturgie de l’œuvre.
La partition est dédiée à mon père, disparu durant la composition de la pièce. Elle s’inscrit dans une série d’œuvres récentes marquées par les deuils — So nah so fern, D’autre part, Quelques traces dans l’air, Ritual trio — qui traitent de la disparition, de la résurgence et de la trace.
Philippe Hurel, note de programme du concert du 2 septembre 2020 dans la Grande salle du Centre Pompidou.