Cette œuvre fut composée à la suite de Phantasmagoria pour orchestre d'instrument à vent, percussion et célesta commandée par l'Orchestre National d'Ile de France en février 1998 et d'Esprit pour un percussionniste écrit à la demande de Frédéric Daumas. Joy est donc pour moi l'occasion d'approfondir certaines idées présentes dans ces deux dernières œuvres comme l'usage de tempi simultanés, la présence d'illusion rythmiques à la manière du peintre Escher, illusions que je qualifie volontiers « d'effets en trompe-oreille »... tout en gardant mon souci constant de la linéarité du discours musical. Joy est dédié à l'Octuor de violoncelles. Joy, c'est avant tout l'idée de la jubilation... avec la reconquête hardie des tempi rapides et de la mélodie. Il y a beaucoup d'équivalences de temps et de jeux rythmiques. C'est quelque chose qui m'amuse beaucoup. Très souvent, à la manière des procédés d'Escher, je pars d'une carrure rythmique ou d'une simple figure mélodique que je transforme petit à petit. C'est une constante de mon travail. Je me suis en effet aperçu que pour donner un sentiment de complexité, on devait fatalement partir d'éléments simples, les exposer avant de pouvoir les falsifier. Déjà, dans mon Concerto pour violon ou même avant dans Commedia, il y avait ce souci d'écrire la musique presque systématiquement sur une seule ligne. Aujourd'hui, j'essaie d'étoffer ce concept. Ainsi, dans Joy, tous les violoncelles exposent un même motif à l'unisson, ce qui crée toute l'ambiguïté, entre un énorme violoncelle amplifié et les effets de démultiplications, superpositions, tuilages et autres « trompes-l'oreille » des huit instruments confondus. Du reste, on notera une certaine circularité, une sorte d'énergie cinétique. Un jeu ? Peut-être une ronde ? J'aimerais que l'on puisse comparer Joy aux Constellations de Miró : des tableaux très dynamiques, très flottants et très ludiques justement. On retrouve d'ailleurs certains éléments propres au peintre : une écriture en courbes, sans angles droits. Chez Miró, il n'existe pratiquement aucun angle. Tout est rond, tout avance !
Régis Campo, éditions Lemoine.