En 1994, la troisième chaîne radiophonique de la RAI commande une série d'œuvres électroniques, afin d'encourager la collaboration entre compositeurs et écrivains italiens quadragénaires. Le cycle qui en résulte est baptisé Radiofilm. Le parcours initiatique qui aboutit à la révélation est raconté par un acteur (le narrateur), par une actrice (Eurydice) et par la musique, qui représente à elle seule Orphée. Car Orphée est ici sa propre musique, à laquelle il laisse le soin de se raconter et de raconter. Son instrument n'est plus la lyre mais les percussions, dont les sons ancestraux nous ramènent à l'aube de l'humanité.
Les auteurs ayant situé l'histoire d'Orphée dans le monde vraisemblable de la dimension cinématographique, il était nécessaire que la musique possédât une charge d'ambiguïté susceptible de devenir un élément sémantique essentiel de l'économie générale de la narration. La partie des percussions n'est donc pas le produit du geste instrumental d'un exécutant mais le fruit d'une élaboration électronique programmée, et ce afin de reproduire au plus près, et d'une manière «vrai-semblable», les modalités typiques d'une pratique instrumentale humaine. Les percussions accompagnent la narration de la révélation à travers une articulation différenciée des passages dramaturgiques et une transformation progressive des timbres. Le timbre des peaux est prépondérant durant la phase d'exposition ; dans la phase suivante, chant d'Orphée et reconnaissance, c'est le timbre des bois et des coquilles qui prend la relève ; enfin, les résonances métalliques soulignent l'accomplissement de la quête et l'interaction avec l'objet de la révélation.
Claudio Proietti, « Ivan Fedele » Les cahiers de l'Ircam, Compositeurs d'aujourd'hui, 1996.