Satka est un terme sanskrit signifiant littéralement « groupe de six » : en effet, la pièce est écrite pour flûte, clarinette, violon, violoncelle, percussion et piano. Structurellement, on dénombre dix-sept sections, agencées selon la suite Fibonacci, dont la durée augmente ou diminue sans cesse (8-5-3-2-1-2-3-5-8 etc.) ; la durée des sections va de 10’’ pour la plus courte à 87’’ pour la plus longue. Chacune d'entre elles développe un processus plus ou moins complexe ; il serait laborieux d'analyser dans le détail chacun des processus. Cependant, quelques grandes lignes peuvent aisément être décelées.
Satka est un peu la jumelle d'Hendeka, écrite peu avant. La formation est certes bien différente, mais certaines idées ont été réemployées, sous un jour différent. Ainsi, le rapprochement ou l'éloignement des gestes musicaux par l'adjonction ou le retrait de silences, donnant un sentiment d' « élasticité » à la masse musicale est un paramètre récurrent. Le début de la toute première section en est un bon exemple : tous les instruments jouent des gammes à grande vitesse, chacune étant séparée par six huitièmes de soupir, puis cinq, puis quatre, etc. jusqu'à ce que les gammes soient enchaînées sans répit. Quoique très organisé, ce type d'écriture induit une certaine forme de chaos.
A l'inverse, comme dans les sections indiquées « jazzy », des petits lignes très entrecoupées de silences (parfois ascendantes, parfois descendantes), sont jouées par tous l'ensemble en parfaite homorythmie : seule la clustérisation de la ligne change (de la tierce totalement remplie de quarts de tons à l'agrégation de deux septièmes diminuées). Cette homorythmie donne une impression de très grande organisation.
Harmoniquement, on peut déceler une grande unité qui est due à l'emploi intensif de la tierce, dans tous ses états : l'agrégation de deux septièmes diminuées (do-ré-mi-fa#-sol-la-sib-do plus réb), l'emploi d'une échelle de tierces qui couvre six octaves, ou encore la juxtaposition des trois transpositions du mode 2 (sur trois octaves).
Satka est une pièce d'une très grande virtuosité, dont la vitesse est paroxystique presque tout au long des douze minutes ; seules quatre très courtes interruptions « sostentissimo, molto teso », très violentes et très tendues, stoppent le flux de notes, sans pour autant en réduire la tension. Car encore une fois, cette virtuosité n'a pas pour but d'être démonstrative, mais de communiquer une grande énergie de la scène à l'auditoire.
Christophe Bertrand.