« Io son del mio diletto s invaghito
Che a ragionarne altrui prendo terrore ;
Né in alcun tempo amore
Fu mai, né sera, senza zelosia.
Ben fôra gran folia
A scoprir la belleza di costei
Ché ben ne morerei
Se io fussi per altrui da lei partito. »
(Matteo Maria Boiardo, Amorum, Liber Primus)
Basée sur la seconde strophe d'un poème de M. M. Boiardo (15e siècle), cette pièce a été composée originellement pour voix, violon et piano, pour un concert autour de Girolamo Frescobaldi : ainsi le matériau naît d'un thème dodécaphonique du compositeur utilisé dans ses Fiori Musicali (et par ailleurs repris par Ligeti dans son Ricercare pour orgue et la dernière pièce des Musica Ricercata).
Le discours musical, bien qu'hétéroclite, est unifié par la présence constante de la note fa#, utilisée en ostinato dans la cadence du piano ou à la fin, en discret rappel sonore, en martellato, etc. Cette stratégie d'unification est venue après coup : la première version de la pièce manquait d'unité, ressemblait davantage à un collage de gestes qu'à un pièce construite. Ainsi, en donnant beaucoup d'importance à une note déjà présente mais jamais mise en valeur, la pièce a pris son sens.
De même que Skiaï, l'architecture de la pièce n'a pas été préconçue : elle a suivi le texte, et s'est déployée au fil de la composition et des mots, constituant une véritable dramatisation du texte, en ce sens que c'est la sémantique qui détermine la musique elle-même et qui agit sur elle (« terrore », « folia », « morerei », etc.) Ceci fut ma première expérience dans le domaine vocal, et cette partie est relativement classique dans son écriture, même si apparaissent déjà les prémisses du délestage des idômes vocaux (poursuivi dans mes pièces récentes comme Madrigal ou Kamenaia).