Thierry De Mey se livre ici à l’exercice de l’autoportrait en réunissant des pièces anciennes et nouvelles au sein d’un même spectacle. Ce projet mûri de longue date avec les Percussions de Strasbourg, il en parle comme d’un « manifeste artistique et politique ». S’il y a un engagement du compositeur, c’est avant tout à l’endroit du corps et de sa mise en valeur dans la pratique musicale. Là où un tabou marque en profondeur notre histoire, notamment par la neutralisation de la présence des musiciens avec des habits noirs, Thierry De Mey accorde une « visibilité » à ses interprètes et intègre à son écriture l’exposition de leurs gestes et de leurs postures.
L’économie de moyens qui en découle n’a rien de simpliste : pour preuve, l’un de ses chefs-d’œuvre, Musique de tables (1987), où les interprètes ne sont munis que de trois tables. Les mains, les doigts, les ongles, les paumes ou encore les phalanges sont les instruments de ce théâtre corporel. Les Percussions de Strasbourg s’emparent de la partition pour en faire surgir le formidable potentiel scénique et musical.
Les Percussions de Strasbourg
Réflexion sur les temporalités, irisations spectrales sur instruments accordés en micro-intervalles, enchevêtrement de pulsations, vagues, doubles pendules, ondes gravitationnelles et l’esprit de l’Atlajala qui prend possession des âmes et corps des créatures vivantes de la vallée circulaire de Paul Bowles, ou de l’océan de Solaris… inspirent ce voyage musical « interstellaire ».
Thierry De Mey
Note de programme du concert ManiFeste du 8 juin 2024 dans la Grande Salle du Centre Georges Pompidou.