À l’origine de cette pièce, la convergence de préoccupations formelles et harmoniques.
Vallée poursuit une recherche sur l’idée de tension musicale, ayant abouti à la création d’une échelle qui classe — arbitrairement — différents systèmes de hauteurs (accord/ note unique, micro-tonalité, diatonisme, bruit) en fonction de leur état de perturbation par rapport au référent d’un chromatisme ordinaire.
Le prolongement de cette recherche menait à appliquer cette même échelle de tension à trois paramètres simultanément : hauteurs, spectre (gelé, filtré, harmonique, inharmonique, bruité) et espace (bloqué, centré, englobant, tournant, éclaté).
L’évolution de chaque paramètre, ainsi représenté par une courbe variant d’un état à un autre en fonction du temps, matérialise un parcours formel constitué de pics et de creux de tension, pouvant éventuellement coïncider.
Dans cette pièce, trois grands moments pourront donc être repérés selon cet aspect :
- Un premier pic de tension, où la microtonalité prend ses aises et l’espace s’ouvre.
- Un anti-climax, grande « vallée » centrale au milieu de la pièce, plongée vers les graves durant laquelle la matière se dénude, s’élargit, se filtre ; au fond de l’abîme, une bascule s’opère entre un monde spectral harmonique et inharmonique.
- Un second pic de tension, extrême, marqué par l’apparition d’accord classés puis la toute-puissance du bruit, sous forme de clusters.
La pièce est axée sur trois matériaux dominants : le trille, l’accord-résonance et le glissando. Tout en se conformant aux contraintes posées par la forme, ces éléments seront traités sous l’angle du piano impossible, mettant en scène, grâce à l’électronique, des gestes physiquement impossibles comme un clavier élargi, des trilles de clusters ou encore des résonances infinies.
Antonio Tules, note de programme du concert du 7 septembre 2020 au Centre Georges Pompidou