I I

they come
different and the same
with each it is different and the same
with each the absence of love is different
with each the absence of love is the same

what would I do without this wold faceless incurious
where to be lasts but an instant where every instants
pills in the void the ignorance of having been
without this wave where in the endbody and shadow together are engulfed
what would I do without this silence where the murmurs die
the pantings the frenzies towards succour towards love
without this sky that soarsabove its ballast dust

what would I do what I did yesterday and the day before
peering out of my deadlight looking for another
wandering like me eddying far from all the living
in a convulsive spaceamong the voices voiceless
that throng my hiddenn

elles viennent
autres et pareilles
avec chacune c'est autre et c'est pareil
avec chacune l'absence d'amour est autre
avec chacune l'absence d'amour est pareille

que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions
où être ne dure qu'un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l'oubli d'avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensemble s'engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures
haletant furieux vers le secours vers l'amour
sans ce ciel qui s'élève
sur la poussière de ses lests

que ferais-je je ferais comme aujourd'hui
regardant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à virer loin de toute vie
dans un espace pantin
sans voix parmi les voix
enfermées avec moi

 II  II
 If I said, There's a way out there, there's a way out somewhere, the rest would come. What am I waiting for then, to say it ? To believe it ? And what does that mean, the rest ? Shall I answer, try to answer, or go on as though I had asked nothing ? I don't know, I can't know beforehand, nor after, nor during, the future will tell, some future instant, soon, or late, I won't hear, I won't understand, all dies so fast, no sooner born. And these yeses and noes mean nothing in this mouth, no more than sighs it sighs in its toil, or answers to a question not understood, a question unspoken, in the eyes of a mute, an idiot, who doesn't understand, never understood, who stares at himself in a glass, stares before him in the desert, sighing yes, sighing no, on and off. But there is reasoning somewhere, moments of reasoning, that is to say the same things recur, they drive one another out, they draw one another back, no need to know what things. It's mechanical, like the great colds, the great heats, the long days, the long nights, of the moon, such is my conviction, for I have convictions, when they turn comes round, then stop having them, that's how it goes, it must be supposed, at least it must be said, since I have just said it. The way out, this evening it's the turn of the way out, isn't it like a duo, or a trio, yes, there are moments when it's like that, then they pass and it's not like that any more, never was like that, is like nothing, no resemblance with anything, of no interest. What variety and at the same time what monotony, how varied it is and at the same time how, what's the word, how monotonous. What agitation and at the same time what calm, what vicissitudes within what changelessness. Moments of hesitation not so much rare as frequent, if one had to choose, and soon overcome in favour of the old crux, on which at first all depends, then much, then little, then nothing. That's right, wordshit, bury me, avalanche, and let there be no more talk of any creature, Si je disais, Là il y a une issue, quelque part il y a une issue, le reste viendrait. Qu'est-ce que j'attends donc, pour le dire, de le croire ? Et que signifie, le reste ? Vais-je répondre, essayer de répondre, ou bien poursuivre, comme si je n'avais rien demandé ? Je ne sais pas, je ne peux rien savoir à l'avance, ni après, ni pendant, l'avenir le dira, un instant proche, ou lointain, je n'entendrai pas, je ne comprendrai pas, tant tout meurt, à peine né. Et les oui et non ne veulent rien dire, dans cette bouche, ce sont comme des soupirs ponctuant une peine, ou ce sont des réponses, à une question muette, dans les yeux d'un muet, d'un demeuré, qui ne comprend pas, qui n'a rien compris, qui se regarde dans un miroir, qui regarde devant lui, dans le désert, les yeux écarquillés, en soupirant oui, en soupirant non, de loin en loin. Mais ça raisonne, ça arrive, c'est-à-dire que les mêmes choses reviennent, amenées chassées les unes par les autres, pas besoin de savoir lesquelles. C'est mécanique, comme les grands froids, les grandes chaleurs, les longues journées, les longues nuits de la lune, telle est ma conviction, car j'ai des convictions, quand c'en est le tour, puis n'en ai plus, c'est comme ça, il faut le croire, c'est-à-dire qu'il faut le dire, puisque je viens de le dire. L'issue, c'est le tour ce soir de l'issue, n'est-ce pas qu'on dirait un duo, ou un trio, oui, par moments ça en a l'air, n'en a jamais eu l'air, n'a l'air de rien, ne ressemble à rien, la question ne se pose pas, de savoir ce que c'est. Quelle variété et en même temps quelle monotonie, comme c'est varié et en même temps comme c'est, comment dire, comme c'est monotone. Comme c'est mouvementé et comme c'est en même temps calme, que de vicissitudes au coeur de quel inchangeant. Instants d'hésitation, plutôt rares que fréquents, s'il fallait choisir et vite surmontés, au profit du vrai propos, dont d'abord tout dépend, puis beaucoup, puis peu, puis rien. C'est ça, fatras, mets-toi autour de moi, avalanche, qu'il ne soit plus question de personne, ni d'un 
 III  III
 nor of a world to leave, nor of a world to reach, in order to have done, with worlds, with creatures, with words, with misery, misery. Which no sooner said, Ah, says I, punctually, if only I could say, There's a way out there, there's a way out somewhere, then all would be said, it would be the first step on the long travelable road, destination tomb, to be trod without a word, tramp tramp, little heavy irrevocable steps, down the long tunnels at first, then under the mortal skies, through the days and nights, faster and faster, no, slower and slower, for obvious reasons, and at the same time, faster and faster, for other obvious reasons, or the same, obvious in a different way, or in the same way, but at a different moment of time, a moment earlier, a moment later, or at the same moment, there is no such thing, I recapitulate, impossible. Would I know where I came from, no, I'd have a mother, I'd have had a mother, and what I came out of, with what pain, no, I'd have forgotten, what is it makes me say that, what is it makes me say this, whatever it is makes me say all, and it's not certain, not certain the way the mother would be certain, the way the tomb would be certain, if there was a way out, if I said there was a way out, make me say it, demons, no, I'll ask for nothing. Yes, I'd have a mother, I'd have a tomb, I wouldn't have come out of here, one doesn't come out of here, here are my tomb and mother, it's all here this evening, I'm dead and getting born, without having ended, helpless to begin, that's my life. How reasonable it is and what am I complaining of ? Is it because I'm no longer slinking to and fro before the graveyard, saying, God grant I'm buriable before the curtain drops, is that my grievance, it's possible. I was well inspired to be anxious, wondering on what score, and I asked myself, as I came and went, on what score I could possibly be anxious, and found the answer and answered, saying, It's not me, I haven't yet appeared, I haven't yet been noticed, and saying further, monde à quitter, ni d'un monde à gagner, pour que c'en soit fini, des misères, des mondes, des personnes, des mots, de la misère, de la misère. Et pas plutôt dit, Ah, que je me dis, il fallait s'y attendre, si seulement je pouvais dire, Là il y a une issue, tout serait dit, ce serait le premier pas, du long voyage faisable, destination tombe, à faire dans le silence, petit pas irrévocable après petit pas, dans les longs couloirs d'abord, puis en plein air mortel, à travers jours et nuits, de plus en plus vite, non, de plus en plus lentement, pour des raisons faciles à comprendre, ou pour les mêmes, comprises autrement, ou de la même façon, mais à un autre moment, un moment plus tôt, un moment plus tard, ou au même moment, il n'existe pas, il n'existerait pas, je résume impossible. Saurais-je d'où j'étais venu, non, j'aurais une mère, j'aurais eu une mère, et d'où sorti, avec quelle peine, non, j'aurais oublié, tout oublié, qu'est-ce qui me fait dire cela, ce qui me fait dire ceci, ce qui me fait dire tout, et ce n'est pas sûr, pas sûr comme serait sûre la mère, comme serait sûre la tombe, s'il y avait une issue, si je disais qu'il y avait une issue, faites-le moi dire, démons, non, je ne demanderai rien. Oui, j'aurais une mère, j'aurais une tombe, je ne serais pas sorti d'ici, c'est ici ma tombe, ici ma mère, ce soir c'est ici, je suis mort et vais naissant, sans avoir fini, sans pouvoir commencer, c'est ma vie. Comme c'est raisonnable et de quoi donc me plains-je, de ne plus faire les cent pas, devant le cimetière, en me disant, Pourvu que cette comédie dure, le temps de pouvoir finir, serait-ce là mon grief, c'est possible. J'avais raison, d'être inquiet, tout en me demandant de quoi, et je cherchais, allant et venant, ce que ça pouvait bien être, et je trouvais, en me disant, Ce n'est pas moi, je n'ai pas encore commencé, on ne m'a pas encore vu, et en me disant, Si, si, c'est moi, et en train de ne plus être, qui plus est, et en pressant le pas, pour arriver, avant l'assaut suivant, comme si je marchais sur le temps, et en me 
IV  IV
 Oh yes it is, it's me all right, and ceasing to be what is more, then quickening my step, so as to arrive before the next onslaught, as though it were on time I trod, and saying further, and so forth. I can scarcely have gone unperceived, all this time, and yet you wouldn't thought so, that I didn't go unperceived. I don't refer to the spoken salutation, I'd have been the first to be perturbed by that, almost as much as by the bow, kiss or handshake. But the other signs, irrepressible, with which the fellow-creature unwillingly betrays your presence, the shudders and wry faces, nothing of that nature either it would seem, except possibly on the part of certain hearse-horses, in spite of their blinkers and strict funereal training, but I flatter myself. Truly I can't recall a single face, proof positive that I was not there, no, proof of nothing. But the fact that I was not molested, can I have remained insensible to that ? Alas I fear they could have subjected me to the most gratifying brutalities, I won't go so far as to say without my being encouraged, as a result, to feel myself there rather than elsewhere. And I may well have spent one half of my life in the prisons of their Arcady, purging the delinquencies of the other half, all unaware of any break or lull in my problematic patrolling, unconstrained, before the gates of the graveyard. But what if weary of seeing me relieve myself, of seeing me resume, after each forced vacation, my beat before the gates of the graveyard, what if finally they had plucked up heart and slightly stressed their blows, just enough to confer death, without any mutilation of the corpse, there, at the graveyard, where that very morning I had reappeared, no sooner set at large, and resumed my old offence, to and fro, with step now slow and now precipitate, like that of the conspirator Catilina plotting the ruin of the fatherland, saying, It's not me, yes, it's me, and further, There's a way out there, no no, I'm getting mixed, I must disant, et ainsi de suite. Je ne devais pas passer inaperçu, depuis le temps, et cependant on ne l'aurait pas dit, que je ne passais pas inaperçu. Je ne parle pas du bonjour, j'en aurais été le premier troublé, autant presque que par un signe de tête, ou de main. Mais les autres signes, irrépressibles, tressaillements et grimaces, par lesquels malgré eux les gens vous accusent, non plus, il me semble, sinon peut-être de la part des chevaux, pourtant bien stylés, et munis d'oeillères, qui trainaient les corbillards, et encore, je me faisais sans doute trop d'honneur. Vrai je ne retrouve pas un seul visage, c'est bien la preuve que je n'étais pas là, non, ça ne prouve rien. Mais le fait de ne pas avoir été molesté, est-ce possible que j'y sois resté insensible. Hélas je crois qu'ils auraient pu se livrer sur moi aux plus flatteuses violences, je ne dirai pas sans que je m'en sois rendu compte, mais je dirai sans que cela m'ait aidé à me sentir là, plutôt qu'ailleurs. Et j'ai peut-être passé la moitié de ma vie dans les prisons de leur Etat, à purger les délits de l'autre moitié, sans que ma problématique faction, dans la liberté, devant les portes du cimetière, m'ait paru s'adoucir d'un seul instant de relâche. Et si, las de me voir me relever, de me voir revenir, après chaque vacance forcée, devant les portes du cimetière, ils s'étaient permis d'appuyer un peu leurs coups, juste assez pour me conférer la mort, sans s'acharner le moins du monde sur le cadavre, là, aux portes du cimetière, où j'avais paru, le matin même, à peine relaxé, ma dette payée, envers la société, et repris ma vieille faute, de long en large, d'un pas tantôt lent, tantôt précipité, comme celui du conspirateur Catilina, tramant la ruine de la patrie, en me disant, Ce n'est pas moi, si, c'est moi, et en me disant, Là il y a une issue, non, non, je confonds, je dois confondre, ici et là, maintenant et alors, tout comme je les confondais alors, l'ici d'alors, l'alors de là, avec un autre espace, un autre temps, mal distingués, mais pas plus mal que maintenant, maintenant que j'y 
 V  V

be getting mixed, confusing here and there, now and then, just as I confused them then, the here of then, the then of there, with other spaces, other times, dimly discerned, but not more dimly than now, now that I'm here, if I'm here, and no longer there, coming and going before the graveyard, perplexed. Or did I end up by simply sitting down, with my back to the wall, all the long night before me when the dead lie waiting, on the beds where they died, shrouded or coffined, for the sun to rise ? What am I doing now, I'm trying to see where I am, so as to be able to go elsewhere, should occasion arise, or else simply to say, You have merely to wait till they come and fetch you, that's my impression at times. Then it goes and I see it's not that, but something else, difficult to grasp, and which I don't grasp, or which I do grasp, it depends, and it comes to the same, for it's not that either, but something else, some other thing, or the first back again, or still the same, always the same, always the same thing proposing itself to my perplexity, then disappearing, then proposing itself again, to my perplexity still unsated, or momentarily dead, of starvation. The graveyard, yes, it's there I'd return, this evening it's there, borne by my words, if I could get out of here, that it to say if I could say, There's a way out there, there's a way out somewhere, to know exactly where would be a mere matter of time, and patience, and sequency of thought, and felicity of expression. But the body, to get there with, where's the body ? It's a minor point, a minor point. And I have no doubts, I'd get there somehow, to the way out, sooner or later, if I could say, There's a way out there, there's a way out somewhere, the rest would come, the other words, sooner or later, and the power to get there, and the way to get there, and pass out, and see the beauties of the skies, and see the stars again.

suis, si j'y suis, et non plus là, allant et venant, devant le cimetière, dans la perplexité. Ou me suis-je simplement assis, à la fin, et adossé au mur, la longue nuit devant moi, où les morts attendent, dans leur lit de mort, ensevelis, sur le dos, ou dans la bière, que le soleil se lève. Mais qu'est-ce que je fais, j'essaie de me situer, afin de pouvoir, le cas échéant, aller ailleurs, ou me dire, il n'y a qu'à attendre, qu'on vienne me prendre, c'est mon impression, par moments. Puis elle passe et je vois que non, ce n'est pas ça, c'est autre chose, difficile à saisir, et que je ne saisis pas, ou que je saisis, ça dépend, et ça revient au même, car ce n'est pas ça non plus, mais encore autre chose, ou la première qui revient, ou c'est toujours la même, la même chose qui se propose, à ma perplexité, et disparaît, avant de se proposer à nouveau, à ma perplexité restée sur sa faim, ou momentanément morte, de faim. Le cimetière, oui, c'est là où je retournerais, ce soir c'est là, porté par mes mots, si je pouvais sortir d'ici, c'est-à-dire si je pouvais dire, Là il y a une issue, savoir où au juste serait une simple question de temps, et de patience, et de suite dans les idées, et de bonheur dans l'expression. Mais le corps, pour y aller, où est le corps ? C'est secondaire, c'est secondaire. Et je suis tranquille, j'y irais, à l'issue, tôt ou tard, et de quoi pouvoir y aller, et y aller, et passer à travers, et voir les belles choses que porte le ciel, et revoir les étoiles.

Samuel Beckett.


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