informations générales

date de composition
1967
durée
11min
Ă©diteur
Schott's Söhne, Marburg
DĂ©dicace
Dem Sinfonie-Orchester des SĂĽdwestfunks Baden-Baden und seinem Leiter Ernest Bour gewidmet

genre

Musique instrumentale d'ensemble (Grand orchestre type "bois par 3" (ou plus))

effectif détaillé

4 flûtes (aussi 2 flûtes piccolos, flûte alto), 4 hautbois (aussi cor anglais), clarinette en la, 3 clarinettes (aussi clarinette basse, clarinette contrebasse [ad lib.]), 3 bassons, contrebasson, 4 cors, 3 trompettes [en do] (aussi 3 trompettes [ad lib.]), 2 trombones, trombone ténor-basse, tuba, cordes

informations sur la création

date
22 octobre 1967

Allemagne, Donaueschingen, Festival

interprètes

l'Orchestre symphonique du SĂĽdwestfunk Baden-Baden, direction : Ernest Bour.

Note de programme

Ă€ première vue, Lontano s’inscrit dans la continuitĂ© Atmosphères car il s’agit d’une Ĺ“uvre orchestrale reposant sur la micropolyphonie. Mais cette nouvelle partition est fondĂ©e presque en permanence sur le canon, procĂ©dĂ© qui restait occasionnel dans Atmosphères. Ligeti avait Ă©tudiĂ© cette technique dans des Ĺ“uvres de la Renaissance et du Baroque, en particulier celles d’Ockeghem (XVe siècle) et de Bach. Il souligne Ă©galement l’influence de la musique Ă©lectronique « dans le fait de pouvoir copier une mĂŞme succession de sons enregistrĂ©s sur bande d’après diffĂ©rentes vitesses ou diffĂ©rentes distances Â». Par consĂ©quent, le canon constitue Â« une sorte de rencontre de la tradition et des possibilitĂ©s du studio Â». 

Lontano reprend la succession de notes Ă©laborĂ©e pour Lux Aeterna (1966), partition pour seize voix mixtes a cappella qui utilise elle aussi l’écriture canonique. Tandis qu’Atmosphères s’ouvrait sur un conglomĂ©rat harmonique complexe, Lontano commence avec un unisson. Cette note est progressivement brouillĂ©e par l’entrĂ©e de nouveaux instruments, lesquels jouent le mĂŞme enchaĂ®nement de hauteurs, mais dĂ©calĂ©s dans le temps et avec un rythme diffĂ©rent. Le canon ne s’entend pas en tant que tel. « J’ai utilisĂ© le canon afin d’établir une unitĂ© entre le successif et le simultanĂ© Â», explique Ligeti. « Je pense toujours en voix, en couches, et je construis mes espaces sonores comme des textures, comme les fils d’une toile d’araignĂ©e, la toile Ă©tant la totalitĂ© et le fil l’élĂ©ment de base. Le canon offre la possibilitĂ© de composer une toile de fils mĂ©lodiques selon des règles assez bien dĂ©finies. Â» Par ailleurs, le nombre de lignes superposĂ©es varie au cours de l’œuvre. Des passages Ă  quatre voix Ă©voluent vers une texture plus dense, ce que le compositeur compare Ă  « un tapis en cours de fabrication Â» : « J’ai le tapis tissĂ© jusqu’à un certain endroit, puis des fils encore libres. Il m’est possible d’augmenter le nombre des voix rĂ©elles ou irrĂ©elles. Une voix peut devenir ainsi une voix en elle-mĂŞme Ă  un moment donnĂ©, puis se transformer Ă  un autre moment en une voix parallèle (en octave) Ă  une autre. Je peux donc toujours Ă©changer une voix rĂ©elle (qui compte dans la polyphonie) contre une voix qui n’est qu’un redoublement. J’ai aussi la possibilitĂ© d’avoir un canon et, en mĂŞme temps, le mĂŞme canon en augmentation ou en diminution, ce qui ne donne pas l’effet du canon, mais celui d’une masse sonore, d’une harmonie très complexe qui se transforme. Â»

Ligeti met ici en Ă©vidence l’une des caractĂ©ristiques de Lontano : par moments, plusieurs instruments jouent la mĂŞme note, soit Ă  l’unisson comme au dĂ©but de la pièce, soit dans diffĂ©rents registres (grave, mĂ©dium, aigu). Le renforcement d’une hauteur vise Ă  obtenir « un son d’orchestre proche d’un son d’orgue, un son d’orchestre un peu brucknerien Â». Il produit de surcroĂ®t la sensation d’une plus grande clartĂ©. Cette transparence est ensuite voilĂ©e par l’introduction de sons « parasites Â» de plus en plus nombreux, qui opacifient la texture. On observe alors la trajectoire inverse : quelques sons Ă©mergent progressivement, comme un faisceau traversant la masse nĂ©buleuse. Ligeti rapproche cet effet de La Bataille d’Alexandre (1529), tableau d’Albrecht Altdorfer conservĂ© Ă  l’Alte Pinakothek de Munich, « dans lequel les nuages – ces nuages bleus – se dĂ©chirent ; derrière, il y a le rayon lumineux dorĂ© du soleil couchant, qui transparaĂ®t au travers Â». 

La musique produit ainsi une illusion d’espace, car des Ă©lĂ©ments semblent Ă©merger du lointain ou s’y fondre. Le compositeur se rĂ©fère Ă  Schumann, qui utilise l’expression « Wie aus der Ferne Â» (Comme venant du lointain) dans les DavidsbĂĽndlertänze, et Ă  Berlioz : â€śLa musique orchestrale de Berlioz m’a Ă©galement beaucoup influencĂ© ; par exemple le cinquième mouvement de la Symphonie fantastique qui commence sur les timbales avec baguettes d’éponge, avant que ne vienne ce signal jouĂ© au hautbois et au piccolo, et imitĂ© ensuite (ce sont les sorcières) par le cor. Berlioz Ă©crit Ă  cet endroit : « du lointain Â». C’était donc vraiment une idĂ©e qui trouvait sa source dans la musique du XIXe siècle, Debussy y compris, un peu en opposition Ă  l’avant-garde. Â» Lontano frappe par sa modernitĂ© et ses sonoritĂ©s inouĂŻes tout en affirmant son ancrage dans la tradition symphonique. Ligeti insiste d’ailleurs sur l’importance de la culture musicale et de la mĂ©moire lorsqu’il commente l’apparition des cors avec sourdine qui succède Ă  un sommet d’intensitĂ© : « Une entrĂ©e soudaine des cors après un tutti Ă©veille en nous, spontanĂ©ment, sinon une association directe, du moins une allusion Ă  certains Ă©lĂ©ments du postromantisme. Je pense ici avant tout Ă  Bruckner et Mahler, mais aussi Ă  Wagner. Notamment Ă  un passage de la Huitième symphonie de Bruckner, dans la coda du mouvement lent, oĂą, dans un profond silence et une grande douceur, les quatre cors jouent subitement un passage qui sonne comme une citation de Schubert, mais vue par Bruckner. J’aimerais prĂ©ciser qu’à l’éloignement spatial s’ajoute ici de plus l’éloignement temporel, c’est-Ă -dire que nous ne pouvons saisir l’œuvre qu’à travers notre tradition, qu’à l’intĂ©rieur d’une certaine formation musicale. Si l’on ne connaissait pas tout le postromantisme, ce quasi-Ă©loignement, si je puis dire, ne se manifesterait aucunement dans cette Ĺ“uvre. Â»

Toujours soucieux de se renouveler, Ligeti abandonnera la micropolyphonie Ă  la fin des annĂ©es 1960, jugeant qu’il en avait Ă©puisĂ© les potentialitĂ©s. Il y reviendra sporadiquement, par exemple dans le Quatuor Ă  cordes n° 2, pour Ă©voquer une Ă©criture et des sonoritĂ©s qui appartiennent dĂ©jĂ  au passĂ©, au mĂŞme titre que la musique de Schumann, Berlioz ou Bruckner. 



Programme du concert du 1 juin 2012, Salle Pleyel, ManiFeste 2012.

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