Vous travaillez pour ce projet avec deux poètes, une Française, Irène Gayraud, et un Iranien, Haleh Ghassemi, ainsi qu’avec une danseuse Stefanie Inhelder, et de la vidéo : pourquoi ?
La littérature est centrale dans mon travail. De même, j’ai toujours été intéressée par le travail avec les danseurs, et sur les relations entre ma musique, le corps et ses mouvements.
Depuis le début du Cursus, je sais donc que mon projet final sera une œuvre multidisciplinaire, avec de la danse, et s’appuyant sur un texte. Cette idée s’affirmant, j’ai invité Haleh Ghassemi et Irène Gayraud à écrire un texte bilingue, en perse et en français. Un texte sombre qui traite de sujets existentiels.
Comment le texte permet-il d’articuler les trois discours ?
Mon but principal a été d’utiliser les caractéristiques soniques des deux langues pour projeter mon interprétation du sens et des affects du texte. Le français comme le perse sonne de manière très spécifique, et j’ai essayé de trouver un univers sonore qui accueille les deux.
J’ai donc enregistré Haleh et Irène récitant le texte dans leurs langues respectives. Je me suis moi aussi enregistrée le disant, dans la chambre anéchoïque de l’Ircam. Ces sons ont été traités avec divers logiciels, dont un de transformation vocale conçu par Frederik Bous (doctorant à l’Ircam en synthèse et transformations vocales).
Stefanie s’est elle aussi servie du texte (et de ma musique) pour développer sa chorégraphie et les jeux d’ombre – dont les transformations, via ses mouvements et le travail de la lumière, sont au cœur de la partie visuelle de la pièce. J’utilise également des outils simples pour traiter son souffle en temps réel pour ajouter à la qualité charnelle et émotionnelle de ses mouvements.
Le titre lui-même semble à la fois jeu poétique et jeu phonétique…
Il souligne les concepts clefs de la pièce : physicalité, entre-deux, et transformation. La naissance peut être vue comme une forme de transformation, et « né entre » évoque aussi le « néant ».