The Angel of Death s'attaque – à plusieurs niveaux, j'espère – à la notion de chemins alternatifs, de sursis. « Si je devais le refaire », pense-t-on, « les choses seraient différentes ». Mais dans quelle(s) mesure(s) ? Parfois, on a l'opportunité de recommencer, de re-évaluer et de re-façonner des faits qu'ils soient petits ou immenses. The Angel of Death offre cette perspective. Un pianiste soliste et un orchestre de chambre interagissent de maière plus complémentaire que concurrente. Ils sont joints, à mi-parcours, par un long arc de musique électronique multipiste.
J'ai arrangé une structure formelle en lien avec cinq éléments thématiques fortement caractérisés, et avec leurs combinaisons et leurs transitions. Ce paysage musical circonstancié est traversé deux fois au cours d'une représentation de la pièce. Lors du premier passage (en fait, la première moitié de l'œuvre), l'on découvre une approche en sections, où les identités contrastées et leurs frontières sont scrupuleusement observées. Alternativement, le second passage procède d'une manière continue et organique, en évitant les raccords et en s'écoulant doucement à travers les domaines de l'identité thématique.
Les deux moitiés de l'œuvre couvrent donc les mêmes matériaux avec le même espacement chronologique, mais les expérimentent selon des perspectives constrastées. Entre ces deux parties, il n'y a pas d'ordre établi : l'une ou l'autre (en sections ou centrée sur des domaines) peut ouvrir la représentation. Quelque soit l'option choisie, l'ordinateur fait son apparition à la fin de la première moitié, couvrant métaphoriquement de son ombre et commentant n'importe quelle version des matériaux qui suit. Mon intérêt principal pour les possibilités alternatives se manifeste également par d'autres biais. Les partenaires instrumentaux – le soliste et l'ensemble – échangent leurs rôles d'une « moitié » sur l'autre, ainsi que chaque partenaire endosse différentes responsabilités selon la perspective de la musique.
Les sonorités détachées de ce monde générées par l'ordinateur – suggérant les rêves, les chœurs, des accrocs hallucinatoires sur le familier – coexistent avec la musique instrumentale, mais ne fusionnent pas avec elle (car en vérité, les réalités internes et externes ne coïncident que très rarement). A la fin, après que les interprètes aient fait leur second passage au travers de la musique, la partie électroacoustique explose en un résumé de tout ce qui s'est passé avant – comme l'on voit sa vie défiler devant ses yeux avant de mourir –, laissant place à un bref épilogue du soliste.
Toute ma gratitude à Karen pour sa proposition du concept, jusqu'au titre de la pièce ; à Stephen McAdams, mon ami et collègue ; à Frédéric Voisin, mon assistant musical sur ce projet ; et particulièrement, cette pièce salue les survivants, partout.
Roger Reynolds, programme du festival Agora 2001, Ircam-Centre Pompidou.