• Set Séminaires MaMuPhi
  • Saison 2017-2018 - None - None > Mathématiques, philosophie et musiques actuelles
  • Nov. 18, 2017
  • Ircam, Paris
Participants
  • Agnès Gayraud (conférencier)

Ce que Roger Pouivet et Frédéric Bisson appellent le rock, je l’appelle la pop, au sens large de musique populaire enregistrée. Comme eux, je fais dépendre l’ontologie des œuvres pop de l’enregistrement, mais contrairement à eux, j’estime que nous avons affaire à ce genre d’œuvres dès les premières décennies du XXe siècle, quand Jimmy Rodgers était une star du yodel dans toute l’Amérique via la radio, ou dès lors que les field recordings des folkloristes ont commencé à être autonomisés de leur statut initial de documents ou archives d’ethnomusicologie, et à être traités comme des œuvres autonomes (initiant par exemple la carrière d’un musicien comme Lead Belly). L’enregistrement et toutes les possibilités qu’il implique, au premier chef desquelles, la reproductibilité, mais aussi le traitement, le mixage, est la condition formelle indispensable pour penser la pop comme art musical. S’il est une esthétique de la pop, elle procède tout entière de cette détermination. Toutefois, elle ne peut se laisser comprendre pleinement qu’en fonction d'enjeux spécifiques, au centre desquels la question de la popularité, comme catégorie esthétique, opère comme une force de gravité. Dans un livre à paraître, j’ai essayé de déployer une esthétique de la pop comme art musical qui articule cette détermination ontologique (l’enregistrement) et cette force de gravité de la popularité. Entre utopie et dystopie esthétique, la catégorie de la popularité se laisse appréhender cette fois de manière dialectique (la pop est tramée d’anti-pop!). La composition, dans le cadre de la musique populaire enregistrée, procède toujours des règles esthétiques de genres donnés. On ne compose pas de la même manière si l’on fait du heavy metal, de la synth pop ou de la trap. Mais je m’intéresserai ici au pôle esthétique que constitue le hit (comme utopie de la popularité et non pas seulement comme fait industriel), susceptible de réconcilier l’expert et l’ignorant, de transcender les genres. J'en arriverai par là à mes propres problèmes de compositrice en rapport à ces enjeux.

Mathématiques, philosophie et musiques actuelles

Cette séance est consacrée à la popular music, terme dont l'équivalent français serait celui de « musique populaire enregistrée », comme le suggère Agnès Gayraud, ou « musiques actuelles », si l'on se tient à une classification institutionnelle et académique, désignant à la fois le rock, la pop, le jazz et la chanson. Bien que considérées traditionnellement en opposition à la catégorie de musique savante, autour de laquelle et sur laquelle s'est concentrée l'analyse musicale - de la naissance de la musicologie systématique chez Guido Adler jusqu'à la musicologie générale de Jean-Jacques Nattiez - les musiques dites « actuelles » constituent le terrain idéal pour confronter des orientations philosophiques que l'on n'a pas l'habitude de faire dialoguer. Loin de s'opposer ou, pire, de s'ignorer, philosophie analytique et philosophie continentale peuvent trouver dans la popular music un objet d'étude singulier sur lequel comparer leurs propres méthodes avec un double regard, à la fois sur l'enregistrement mais aussi sur l'acte créatif sousjacent. On glissera ainsi progressivement de l'enregistrement à l'analyse formelle des processus compositionnels à travers deux démarches créatives, l'une puisant ses sources dans une philosophie critique et l'autre inspirée directement d'une activité de recherche autour de la formalisation mathématique.

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