Participants
  • Mohamed-Ali Kammoun (conférencier)

Publié depuis la fin du xxe siècle sous des labels de type ethnique ou world music, l’art musical arabe reflète aujourd’hui à l’échelle internationale une image plutôt stéréotypée et traditionaliste. Plusieurs facteurs auraient favorisé cette standardisation dont le soutien souvent excessif des politiques locales en faveur des productions conservatrices, au détriment d’un engagement stratégique pour la promotion de la création contemporaine. Pourtant, de plus en plus de nouvelles expressions musicales continuent à émerger dans le monde arabe, mettant autant en valeur des matériaux culturels endogènes, que d’autres enclavant les effets d’une large globalisation. Nous nous sommes déjà confrontés à ce phénomène dans une récente thèse de doctorat en musicologie portant sur « Les nouvelles tendances instrumentales en Tunisie. Enjeux esthétiques, culturels et didactiques entre jazz, modalité et métissage» (dir. Jean-Marc Chouvel, université de Paris-4, Sorbonne, 2009). Dans cette communication, nous évoquerons approximativement le même sujet, sous un angle de recherche artistique, à travers nos propres essais de composition.

En première partie, nous essayerons d’expliciter certaines stratégies de l’arrangement de pièces du patrimoine traditionnel tunisien (musiques rituelles, bédouines et dites classiques comme le malûf, les sammâ’î, le taqsîm...). En effet, le jeu simultané de mélodies modales et d’un accompagnement réalisé au piano (tempéré) implique des stratégies spécifiques, tant pour l’harmonie que pour la conduite des voix. Nous présenterons, dans ce contexte, des analyses formelles de thèmes traditionnels réduits et développés polyphoniquement avec des variations. Nous décrirons, ensuite, certaines des procédures d’harmonisation modale entreprises sur des mélodies traditionnelles, faisant notamment référence au jazz contemporain. Puis, nous présenterons le concept du «contrepoint polyculturel», où nous faisons inter- venir dans une seule ligne mélodique secondaire un référent harmonique et un autre de vocabulaire modal de maqâm-s. Nous expliquerons aussi certains choix d’orchestration et de mélange de timbres. Enfin, nous parlerons de conception rythmique, notamment de l’utilisation de métriques variables issues de découpages paradigmatiques du matériau mélodique.

Nous aborderons, en deuxième partie, des questionnements esthétiques qui ne cessent de se poser dans notre travail de composition. Jusqu’à quel point peut-on se détacher de tout prétexte culturel et référentiel dans une démarche de création abstraite et instantanée ? Nous discuterons en l’occurrence de certaines limites auxquelles nous nous confrontons au niveau de l’improvisation, car c’est là où les enjeux de cohérence culturelle nous semblent des plus importants, à l’image des divergences des disciplines musicales en présence. Nous nous interrogerons enfin sur la légitimité artistique de ces types d’approches. Entre hybridité implicite et métissage explicite (intentionnel), opérant sur des langages musicaux d’apparence même antinomique, jusqu’à quel point, pourrait-on inscrire ce travail dans une sphère de nouvelles musiques authentiques et savantes ?

Musique savante/musiques actuelles : articulations JAM14 : journées d'analyse musicale 2014 de la Sfam : journée 2

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