Difficile de traduire le terme Unrisen. On pourrait tenter « désélevé », au sens de l’élévation divine, spirituelle, voire liturgique. Dans Unrisen, le fils de Dieu n’est plus ressuscité, la présence divine est abolie, si elle a jamais existé. Ici, nul vertige du possible, il n’y a que l’humain, ce que l’on peut toucher, le bois, le tactile. L’existence n’a de valeur que par son surgissement potentiel et la nécessité de ce surgissement. La naissance n’est pas l’attente de la révélation, mais la perception inquiète du potentiel. L’électronique elle-même se met à taille humaine, au service de l’humain. On ne teste pas ses limites, en vitesse ou en lenteur, en macroscopie ou en microscopie. La nouvelle lutherie et les SmartInstruments exigent de nous une interaction d’un nouveau genre, plus proche du musicien, plus sensuelle et affective, qui relève davantage des stompboxes du folk et du rock que de certaines utopies typiques de l’avant-garde. L’objectif importe peu, c’est le toucher qui compte. Les SmartInstruments témoignent de ce besoin parfois réducteur de contrôle qui naît de la multiplicité prolifératrice de notre univers, et de la peur qu’elle engendre. Dans le son d’une voix, on perçoit déjà le sens du message et la trajectoire du discours. C’est une fusion véritable des sources sonores que l’on entend ici : il ne s’agit pas d’un corps artificiel (le haut-parleur), mais d’un corps bien humain (l’instrument, sédiment de l’Histoire) doté de cordes vocales bioniques (les transducteurs). La technologie n’est pas encombrante, elle se fond avec et dans le corps – vision pré-actuelle (pré-technologique) qui interroge la matière indifféremment de la valeur technologique ou linguistique qui la compose ou la dénote. Unrisen n’est qu’un simple petit voyage à la découverte de cette voix humaine augmentée. Loin de toute aspiration archétypale, c’est l’homme s’agrippant à son instrument de connaissance pour tenter d’appréhender son identité en constante redéfinition. Marco Momi et Jérémie Szpirglas