information

Type
Concert
performance location
Ircam, Espace de projection (Paris)
duration
13 min
date
October 19, 2023

Enregistrement ©ircam - Sylvain Carton

Cardiophonie est, à bien des égards, une pièce, et un jeu, de l’intime. D’abord, c’est l’œuvre d’un Heinz Holliger hautboïste virtuose alors au sommet de son art – qui inspire et/ou suscite des chefs-d’œuvre des plus grands de son temps. L’instrument est comme une extension de son corps, et le recours quasi permanent à des techniques de jeu étendu (sans l’anche pendant toute la première partie de la pièce, mais avec une inventivité confondante quant au souffle et à la production du son) témoigne de cette familiarité. Ensuite, comme son titre l’indique, le discours musical est en relation directe avec le rythme cardiaque du musicien – lequel est enregistré puis retransmis.
Cardiophonie fait ainsi suite à h (1970) pour quintette à vent, étude sur cette consonne du souffle et de l’expiration ou Pneuma (1970) pour vents, percussion, orgue et radios, dans lequel «l’ensemble des instruments à vent est considéré comme un poumon énorme qui respire, les instruments comme la bouche qui articule les bruits de la respiration », écrit le compositeur.
Contrairement à h et Pneuma, toutefois, Cardiophonie est écrite pour un instrumentiste seul dialoguant avec l’électronique (à l’origine : trois magnétophones permettant d’échantillonner certaines séquences puis de les rediffuser à différentes vitesses) – laquelle électronique consiste, dans un premier temps du moins, en le rythme cardiaque du musicien, auquel s’ajoutera ensuite ce qu’il a joué précédemment.
Cardiophonie relève donc au moins autant de l’action théâtrale que de la musique pure. L’écriture instrumentale s’appuyant précisément sur le tempo déterminé par le pouls, et la rediffusion de celui-ci étant ensuite graduellement accélérée, «il y a, confie le compositeur au musicologue Philippe Albèra, un feed-back entre les battements de cœur et le jeude l’instrumentiste, leur interaction impliquant une sorte de circuit fermé entre la technique et le jeu. Cela fonctionne comme un grand crescendo, par accumulations».
Bientôt, si virtuose soit-il, l’instrumentiste est dépassé, submergé, phagocyté, par son propre pouls, et finit par succomber au jeu qu’il a lui-même initié – la seule issue étant alors la fuite.

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