r é s u m é (extraits du programme du concert au Centre Pompidou le 6 juin 2011).
Dans Einspielung I, je confère, au moyen de l’électronique, une deuxième scénographie sonore à une même partition. En effet, du point de vue de l’interprète, pas une note, pas un rythme n’y change. L’électronique se greffe sur une partition rigoureusement identique. Ce qu’entend l’auditeur est certes différent, mais l’original reste présent – l’ensemble des traitements électroniques ne le cache pas. L’original n’est pas un simple prétexte pour faire une autre pièce grâce à l’électronique. Avec ou sans électronique, c’est la même pièce. On reconnaît l’une dans l’autre et vice versa. La spatialisation doit être pour moi comprise comme un paramètre à part entière de l’écriture, au même titre que le rythme, l’harmonie… Au même titre mais dans sa spécificité propre (il ne s’agit surtout pas de la traiter comme on traite les hauteurs, par exemple). Il faut composer avec. La spatialisation devient donc un élément syntaxique du langage. Un élément qui, d’ailleurs, nécessite le développement d’une écoute non primaire, je veux dire : non purement acoustique. À l’audition, plusieurs niveaux de reconnaissance ou de masquage entrent en jeu. Si je fais par exemple un mouvement sonore entre dix haut-parleurs, cela ne signifie nullement que l’auditeur écoutera chaque haut-parleur individuellement, et qu’il suivra ponctuellement les événements venant de chacun. Exactement comme dans une pièce pour orchestre : on n’écoute pas toujours chaque instrument ponctuellement – on ne les entend pas tous, ou du moins pas tous distinctement. Cela dépend des moments. Mettre en avant l’une ou l’autre des couches en présence fait partie du travail de composition. Certains aspects de l’orchestration ne se discernent certes pas immédiatement – mais, s’ils n’y étaient pas, leur absence créerait comparativement un vide, une autre image sonore. Il faut envisager le geste spatial comme contribuant à l’effet global et, si possible, à sa portée musicale. En effet, l’argument, surtout venant de certains compositeurs férus d’informatique, qui consiste à dire que la spatialisation n’est finalement pas audible telle que nous la mettons en œuvre, ne fait que souligner la différence entre entendre un phénomène (même avec une oreille absolue), et l’écouter musicalement. Reprenant cette pièce vieille de 32 ans, avez-vous changé quelque chose à la partie électronique telle que projetée à l’origine ? La partition électronique est entièrement nouvelle. J’ai uniquement retenu les données quantitatives que j’avais, comme toujours, extraites de ma propre analyse de la partition, et qui me fournissent un premier pont entre la partition instrumentale et la partition électronique. À l’époque, j’avais rempli deux cahiers pour décrire ce que je voulais, et la programmation avait été réalisée par Eric Daubresse. Avec José Miguel Fernandez, qui a pris la suite d’Eric Daubresse (et qui avait déjà participé à Lichtung III à côté de celui-ci), nous en avons refait toute la programmation. J’en ai rédigé près de 400 pages de description minutieuse de toutes les actions confiées à l’ordinateur, lesquelles sont transcrites et rentrées dans un environnement informatique développé par Jose Miguel Fernandez. Par ailleurs, j’utilise pour la première fois le tant redouté et désiré « suiveur de partition ». A ce propos, je tiens à signaler la constante collaboration d’Arshia Cont, qui ne cesse d’œuvrer à l’amélioration du programme Antescofo, en fonction des questions concrètes soulevées par chaque œuvre. En outre, les conditions de travail furent rendues exceptionnellement favorables grâce à l’enregistrement préalable d’Einspielung I par Diego Tosi quelques mois auparavant. Son jeu est d’un haut niveau d’accomplissement, et ceci nous permet chaque jour de tester et de simuler les circonstances du concert.
José Miguel Fernandez étudie la musique et la composition à l’université du Chili et au Laboratoire de recherche et de production musicale de Buenos Aires, Argentine. Puis il suit les cours de composition au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon et participe au Cursus annuel de composition de l’Ircam (2005-2006). Il compose des œuvres pour musique instrumentale, électroacoustiques et mixtes. Ses œuvres sont créées dans plusieurs festivals de musique contemporaine en Amérique, Europe et Asie. Il a été sélectionné au concours international de musiques électroacoustiques de Bourges (2000) et lauréat des concours international de composition Grame-EOC de Lyon (2008) et du Giga Hertz Award du ZKM/EXPERIMENTALSTUDIO en Allemagne (2010). Parallèlement à son activité de compositeur, il travaille sur divers projets de création reliant l’informatique musicale avec notamment des compositeurs et interprètes.
Emmanuel Nunes avec José Miguel Fernandez
r é s u m é
(extraits du programme du concert au Centre Pompidou le 6 juin 2011).
Dans Einspielung I, je confère, au moyen de l’électronique, une deuxième scénographie sonore à une même partition. En effet, du point de vue de l’interprète, pas une note, pas un rythme n’y change. L’électronique se greffe sur une partition rigoureusement identique. Ce qu’entend l’auditeur est certes différent, mais l’original reste présent – l’ensemble des traitements électroniques ne le cache pas. L’original n’est pas un simple prétexte pour faire une autre pièce grâce à l’électronique. Avec ou sans électronique, c’est la même pièce. On reconnaît l’une dans l’autre et vice versa.
La spatialisation doit être pour moi comprise comme un paramètre à part entière de l’écriture, au même titre que le rythme, l’harmonie… Au même titre mais dans sa spécificité propre (il ne s’agit surtout pas de la traiter comme on traite les hauteurs, par exemple). Il faut composer avec.
La spatialisation devient donc un élément syntaxique du langage.
Un élément qui, d’ailleurs, nécessite le développement d’une écoute non primaire, je veux dire : non purement acoustique. À l’audition, plusieurs niveaux de reconnaissance ou de masquage entrent en jeu.
Si je fais par exemple un mouvement sonore entre dix haut-parleurs, cela ne signifie nullement que l’auditeur écoutera chaque haut-parleur individuellement, et qu’il suivra ponctuellement les événements venant de chacun.
Exactement comme dans une pièce pour orchestre : on n’écoute pas toujours chaque instrument ponctuellement – on ne les entend pas tous, ou du moins pas tous distinctement. Cela dépend des moments. Mettre en avant l’une ou l’autre des couches en présence fait partie du travail de composition. Certains aspects de l’orchestration ne se discernent certes pas immédiatement – mais, s’ils n’y étaient pas, leur absence créerait comparativement un vide, une autre image sonore. Il faut envisager le geste spatial comme contribuant à l’effet global et, si possible, à sa portée musicale. En effet, l’argument, surtout venant de certains compositeurs férus d’informatique, qui consiste à dire que la spatialisation n’est finalement pas audible telle que nous la mettons en œuvre, ne fait que souligner la différence entre entendre un phénomène (même avec une oreille absolue), et l’écouter musicalement.
Reprenant cette pièce vieille de 32 ans, avez-vous changé quelque chose à la partie électronique telle que projetée à l’origine ?
La partition électronique est entièrement nouvelle. J’ai uniquement retenu les données quantitatives que j’avais, comme toujours, extraites de ma propre analyse de la partition, et qui me fournissent un premier pont entre la partition instrumentale et la partition électronique.
À l’époque, j’avais rempli deux cahiers pour décrire ce que je voulais, et la programmation avait été réalisée par Eric Daubresse. Avec José Miguel Fernandez, qui a pris la suite d’Eric Daubresse (et qui avait déjà participé à Lichtung III à côté de celui-ci), nous en avons refait toute la programmation. J’en ai rédigé près de 400 pages de description minutieuse de toutes les actions confiées à l’ordinateur, lesquelles sont transcrites et rentrées dans un environnement informatique développé par Jose Miguel Fernandez. Par ailleurs, j’utilise pour la première fois le tant redouté et désiré « suiveur de partition ». A ce propos, je tiens à signaler la constante collaboration d’Arshia Cont, qui ne cesse d’œuvrer à l’amélioration du programme Antescofo, en fonction des questions concrètes soulevées par chaque œuvre. En outre, les conditions de travail furent rendues exceptionnellement favorables grâce à l’enregistrement préalable d’Einspielung I par Diego Tosi quelques mois auparavant. Son jeu est d’un haut niveau d’accomplissement, et ceci nous permet chaque jour de tester et de simuler les circonstances du concert.
b i o g r a p h i e s
Emmanuel Nunes : http://brahms.ircam.fr/emmanuel-nunes
José Miguel Fernandez étudie la musique et la composition à l’université du Chili et au Laboratoire de recherche et de production musicale de Buenos Aires, Argentine. Puis il suit les cours de composition au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon et participe au Cursus annuel de composition de l’Ircam (2005-2006). Il compose des œuvres pour musique instrumentale, électroacoustiques et mixtes. Ses œuvres sont créées dans plusieurs festivals de musique contemporaine en Amérique, Europe et Asie. Il a été sélectionné au concours international de musiques électroacoustiques de Bourges (2000) et lauréat des concours international de composition Grame-EOC de Lyon (2008) et du Giga Hertz Award du ZKM/EXPERIMENTALSTUDIO en Allemagne (2010). Parallèlement à son activité de compositeur, il travaille sur divers projets de création reliant l’informatique musicale avec notamment des compositeurs et interprètes.