Commande de l'Ensemble intercontemporain, Metal Extensions est une œuvre un peu particulière dans ma production car elle repose sur les fondations d’une pièce plus ancienne, Metallics (1995), pour trompette solo et dispositif électronique, dont j'avais toujours eu l'intention de faire une version élargie pour trompette et ensemble. C’est aussi ma première confrontation, face à ce qui est progressivement apparu comme un défi, celui de la transcription la plus fidèle possible d'un matériau électronique dans le monde instrumental.
J’ai toujours été fasciné par les profonds changements de caractère qu’offre l’utilisation des sourdines pour les cuivres, démultipliant ainsi leurs possibilités expressives. Pour écrire Metallics, j'avais entrepris à l'Ircam une étude des propriétés acoustiques des principales sourdines utilisées par l’instrument : cup (bol), straight (sèche), harmon, wa-wa et whisper (sourdine d’appartement). Les résultats de ces analyses sont devenus le fondement harmonique, les générateurs de toutes les structures sonores et ont aussi dicté la forme de la pièce et donc, par extension, de ce concerto.
Cette forme est la raison d'être de chaque type d'événement se déroulant dans la pièce. C'est un parcours, (sous la forme de mouvements distincts) allant graduellement de la trompette ordinaire à la trompette avec la sourdine qui contient le plus grand taux de bruit (dans le sens de « composants bruités »), en fait, la sourdine qui déforme le plus le son original. Ce parcours n’est pas arbitraire, mais résulte directement du classement des sourdines selon leur taux de distorsion spectrale par rapport à la trompette « ouverte ». Les modes jeux de l'instrument soliste et donc, par répercussion la texture environnante, vont aussi dans la même direction et deviennent eux aussi de plus en plus « bruités » durant le déroulement de l'œuvre.
Mais je voulais surtout – et avant tout – que cette forme soit aussi perçue comme une sorte de voyage ; ainsi, le caractère musical de chacun des mouvements – élément saillant qui parle directement à notre perception – clairement lisible, est lui, dû à l’acceptation et à l’incorporation des archétypes sonores et des références musicales (inévitables, à mon sens) propres à la trompette et à ses différentes sourdines. J’ai pris la décision de porter cet élément au premier plan et ai donc volontairement enfoui toute la complexité de la structure dans les couches inférieures de la composition.
Cette décision est le résultat d’une prise de position qui a commencé lors de l'écriture de Metallics et qui peut être définie comme un regard, que je qualifierai de latéral sur la musique de mon temps, mais aussi de « circulaire » sur l'histoire de la musique en général. Ainsi, Je ne refuse (ni n'accepte inconsidérément !), aucun matériau, aucune idée ou élément propre à une esthétique musicale définie, tant qu'il est susceptible d'être transformé, filtré, puis intégré dans une forme qui devient mienne, sorte de structure d'accueil – où tout élément à sa place si je parviens à le mettre en en cohabitation ou en relation tangible avec le reste de ce qui constituera la pièce. C'est en somme autant la recherche d'une liberté d'expression que d'un langage affranchi de tout carcan qui me pousse à écrire dans ce sens, et à diversifier les moyens d'expression et de communication dont le compositeur d'aujourd'hui a, à mon sens, plus que jamais besoin.
Yan Maresz.