Le titre met en évidence trois caractéristiques différentes de la pièce. La première révèle une forme non-linéaire de développement du matériau musical : dans le seul mouvement du trio, des articulations musicales se succèdent et se superposent tout en créant des oppositions, des rappels et des signaux itératifs, dans plusieurs moments de la pièce. La seconde souligne l’absolue mesurabilité du temps, sa façon discrète de se dérouler : il s’agit donc d’un mouvement mesuré, dépourvu de schéma temporel défini a priori, et dont le caractère s’oppose au flux continu et indistinct du genre bergsonien. La présence des rappels et des signaux itératifs interrompt le flux en créant d’infimes ruptures, celles-ci révèlent les limites de différents espaces temporels, mesurables à chaque fois. La troisième esquisse une réflexion sur le thème de l’Opera aperta, titre d’un essai d’Umberto Eco publié en 1962. L’œuvre musicale ouverte n’est pas seulement celle qui offre plusieurs possibilités d’exécution du même matériau musical à l’instrumentiste (c’est d’ailleurs la solution privilégiée par Umberto Eco). L’on peut aussi considérer comme ouverte l’œuvre qui ne laisse pas une grande liberté à l’instrumentiste même, sinon celle qui est déjà inhérente dans le concept d’interprétation ; pourtant la sensibilité des auditeurs réagit différemment dans l’un ou l’autre cas. Le matériau musical de Movimento discreto est constitué de sons issus exclusivement du trio, élaborés avec la Station d’informatique musicale (et diffusés par le spatialisateur conçu à l’Ircam) soit en temps réel, soit dans des séquences préenregistrées et déclenchées par le clavier Midi.
Giovanni Verrando.