Offrande pour harpe solo est tirée d’une œuvre concertante pour harpe et orchestre à cordes intitulée Conversions (1988)1. La cadence pour harpe seule qui occupait une position centrale dans Conversions est ici conservée intégralement, avec son caractère particulier (indications « librement, fantasque » dans la partition), mais les autres parties sont librement adaptées. La harpe apparaît dans Offrande selon une grande diversité d’expressions. Le compositeur la soumet à un certain nombre de techniques particulières (harmoniques, glissements avec la clé d’accord, jeu avec l’ongle, en faisant « zinguer » la corde, etc.) et lui donne souvent une dimension percussive. Mais l’écriture révèle aussi dans l’ensemble un respect des caractéristiques de l’instrument (les répétitions ou trémolos, certains arpèges…). La grande forme de l’œuvre repose sur une sorte de courbe, partant de la note do, terminant sur ré, avec un léger geste de réexposition finale des éléments initiaux. Entretemps la musique franchit des contrées changeantes, marquées elles aussi par de subtils signaux très précieux pour l’audition, tel cet appel ascendant fa-si dans la partie « cadence ». La notion de « mouvement » est particulièrement importante ici, elle semble dominer les différentes composantes de la musique. En témoignent l’espacement de plus en plus grand, et donc l’étalement des silences dans la phase finale, admirable désinence après les sections virtuoses, au débit soutenu.
- Cette composition se réfère de façon « très secrète » au passé, et plus particulièrement au canon à deux voix Quaerendo invenietis de l’Offrande Musicale de J. S. Bach.
D’après Pierre Michel, extrait du livret du disque Solos (aeon), note de programme du concert ManiFeste du 17 juin 2023 à l'Espace de projection de l'Ircam.