L’écriture d’un quatuor à cordes a toujours été une gageure. Aujourd’hui, à l’ère de la technologie et du rejet manifeste des formes « classiques » j’ai voulu relever ce défi sur lequel j’ai longuement travaillé.
Ce mécanisme de haute précision de musique de chambre est ici étendu à l’espace sonore par la transformation et la mise en regard du son des cordes avec d’autres éléments, tout aussi travaillés dans le timbre et la morphologie, par des techniques électroacoustiques.
Il se déploie sur une durée conséquente, d’un peu moins de 30 minutes. Il a été conçu d’un seul tenant mais a été finalement divisé en cinq mouvements, dont le deuxième et quatrième sont des scherzi, rapides, virtuoses, aussi bien pour les instrumentistes que pour l’électronique projetée dans le dôme en ambisonique. Les références aussi bien formelles qu’idiomatiques sont inévitables mais n’ont pas été une prémisse de la composition. Mon penchant naturel pour le travail rythmique et la morphologie, toujours présent ici, a été équilibré par un approfondissement du travail de l’espace sonore et de la nature interne du son qui m’ont conduit à un étirement du temps et à l’immersion dans la matière.
La thématique générale est celle de la relation et du déplacement.
Le dialogue entre instruments du quatuor et leurs images, doubles, prolongement ou ellipses électroacoustiques, est étroit et aussi précis que l’est l’essence du genre. Ces symbioses sonores tissent des liens éminemment musicaux mais elles pourraient être associées à des images ou des personnages. Le déplacement, outre l’évidente question de l’espace sonore multiphonique pour l’électronique, est également une métaphore de la migration.
L’espace sera donc musical mais il représente aussi l’absence, l’ailleurs.
Luis Naón, note de programme du concert du 17 mars 2023 à l'Espace de projection de l'Ircam.