Une projection de Tippeke rassemble plusieurs démarches d’égales importances, où fusionnent les différents paramètres de la chorégraphie, du film et de l’écriture musicale. Le film a été tourné dans les alentours de Bruxelles en mars 1996.
Le film a été tourné dans les alentours de Bruxelles en mars 1996. La protagoniste, Anne Teresa De Keersmaeker raconte/chante/danse une vieille comptine flamande où il est question d'un petit garçon qui ne veut pas rentrer à la maison. L'histoire déploie un enchaînement récursif de neuf menaces successives : un p'tit chien qui ne veut pas mordre Tippeke, un bâton qui ne veut pas frapper le p'tit chien, un feu qui ne veut pas brûler le bâton, etc... ; pour arriver à la chute en cascade de dominos où l'on repart en ordre inverse : oui le p'tit chat veut bien manger la souris, et la souris sauter sur la corde pour la ronger, et la corde sauter sur la vache pour l'attacher, etc....
A chaque mot-clé correspond un mouvement dansé, à chaque concept, une couleur harmonique déduite de nœuds « multiphoniques » choisis sur les cordes graves du violoncelle ; à chaque mode de discours de la comptine – affirmatif, interrogatif, négatif – une façon de les exécuter, un mode d'association des différentes données sonores : voix, violoncelle et ambiances sonores du film.
Dans cette ronde d'interactions, la voix fait l'objet d'un traitement particulier : les formants filtrent les ambiances cinéma, un chœur éolien de vent dans les arbres, de bruit d'autoroute ou de forêt en flammes l'accompagnent dans ses modulations ; les consonnes sont soulignées par des sons percussifs échantillonnés sur le violoncelle (Ti-Pe-Ke, ...), avant que les rythmes qui s'en dégagent ne viennent renforcer la dynamique de la danse.
Ainsi la structure accumulative de l’histoire « oblige » aussi bien une danse, une suite pour violoncelle et bande son multidiffusion, et un trajet cinématographique.
Thierry De Mey.