Une petite toccata pour violon, cela semble incongru, si l'on s'en tient aux conventions de ce genre réservé aux claviers. Cependant, dans son acception d'origine, « le terme pouvait initialement appeler n'importe quel intermédiaire instrumental, pourvu qu'il s'agît d'une pièce de caractère improvisé, adaptée au langage particulier de l'instrument employé. »
Ce qui laisse imaginer quelle forme peut prendre une toccatina pour violon : un langage spécifique s'impose dès l'abord par la façon de toucher le violon, les cordes étant jouées avec le bouton (l'écrou-tendeur) de l'archet – un accessoire qui perd ici son statut d'intermédiaire pour devenir l'outil de production du son, en se posant sur les cordes.
La résonance si particulière de ces « bruits » attire l'écoute, et permet de distinguer rapidement le contour d'une mélodie en sons ténus, entrecoupée de notes pincées. Après avoir atteint l'extrême aigu, la ligne mélodique redescend et se transforme bientôt en une valse où l'on distingue, comme en filigrane, une mélodie symétrique de la première, ponctuée par une résonance de corde à vide.
Ce geste initial donne le ton de ce que sera la pièce : une apparente improvisation de différentes manières de jouer du violon, où l'écrou se transforme en plectre pour pincer les cordes, relayé ensuite par le bois de l'archet, où, enfin, les seules notes jouées à l'archet deviendront des souffles variés sur les cordes, le chevalet, les chevilles et la volute de l'instrument. Le mouvement régulier, à la croche, accentue cette impression de sonder [abtasten] un univers sonore différent.
François Bohy, programme du Festival d'automne à Paris, cycle Helmut Lachenmann.