La trace est le signe présent d'une chose absente qui fut présente. L'écart pourrait être ce décalage entre l'expérience supposée première de cette chose et sa répétition. Entre la trace et l'écart, palindrome riche de sens, se tisse la pièce de Michael Jarrell par retours, répétitions, éloignements et oublis. La disposition orchestrale répond également à l'exigence du double toujours décalé, du « miroir brisé » qui lie cette (ré)partition : double ensemble de huit instruments (bois, cuivres et cordes), deux voix de femmes (soprano et alto) et percussion (trois exécutants). Le texte est basé sur l'énoncé de deux poèmes Trace et Ecart de Joël Pasquier, respectivement chantés par la voix de soprano et la voix d'alto — texte éclaté, formé également d'interférences d'un trajet vocal sur l'autre et enrichi de citations de deux textes plus anciens, Trace et Ecart de Georges Perec. L'œuvre s'organise selon deux « voiles séparés par une section centrale, sorte de « trou de mémoire » dans lequel s'engouffrent les sons dans un continuum très long, très fluide « Essayer de rentrer délicatement dans les sons » puis disparaissent durant deux mesures (géographiquement centrales). C'est dans le franchissement de l'écart, d'un voile à l'autre, que s'accompli le retour à la trace (origine), mais également son oubli. Ces deux mots, au terme de la pièce, s'épousent alors dans leur différence. L'écart est peut-être ce lieu (central et « vide ») où se produit l'œuvre.
Michael Jarrell.