information

Type
Concert
performance location
Centre Georges Pompidou, Grande Salle (Paris)
duration
22 min
date
June 16, 2016
program note
Ensemble Linea

Œuvre réalisée dans le cadre du Cursus de composition et d’informatique musicale 2 de l’Ircam.

S’inspirant autant de la déformation des corps dans l’œuvre de Francis Bacon, que de la culture cyberpunk, et des performances de l’artiste chypro-australien Stelarc, Artaud Overdrive est une tentative d’exorciser d’un coup d’un seul les deux névroses auxquelles nous dispose l’invasion technologique que nous vivons aujourd’hui : la peur de la déshumanisation d’une part, due à une perte d’émotion, de fragilité et de faiblesse, et l’envie de nous y fondre, d’autre part, dans un mouvement de dépassement de notre propre enveloppe corporelle, comme pour mieux la renforcer.
Comment amener le jeu instrumental vers le monde électronique ? Plusieurs solutions sont envisageables. Tout d’abord, j’ai été le sujet d’une expérience de l’équipe CREAM, avec tous les types possibles de capteurs placés sur ma personne, afin d’étudier ma propre réponse émotionnelle à diverses musiques : c’est ainsi que j’ai pensé pouvoir utiliser des capteurs de fréquence cardiaque et de respiration (parce que ces données vitales sont fortement liées au geste musical) pour créer une déformation, ou imbrication, de l’électronique vers l’instrumentiste et vice-versa – pour déterritorialiser l’ensemble vers l’électronique.
Cette même expérience avec des capteurs, faite en écoutant les sons produits par mon propre corps, m’a fait réfléchir à certaines caractéristiques du temps en musique : j’ai été frappé par le fait que, contrairement à mon intéroception (la perception de l’intériorité de son corps), le rythme et la cadence de notre univers sonore «interne» sont foncièrement irréguliers : deux battements de cœur ou deux respirations apparemment identiques cachent toujours une différence.
Je confronte donc ici un «tempsobjectif» – le tempo «classique», abstrait, figé, noté dans la partition et donné par le geste du chef – et le temps du corps de l’interprète, donné par sa fréquence cardiaque et sa respiration – temporalité «fluctuante» et subjective car en évolution permanente selon la réponse physiologique et psychique de l’interprète face à la musique qu’il est en train de jouer (comme le rubato du pianiste dans une Mazurka de Chopin). C’est dans l’articulation et la palette des différentes hybridations de ces deux temporalités que se déroule l’écriture musicale, en cherchant le tempo limite, au-delà duquel la matière musicale perd son identité et se transforme.
Grâce au dispositif Listen (spécialement conçu pour la pièce, par Marco Liuni, Jean-Julien Aucouturier, Emmanuel Fléty, l’Ircam, l’équipe CREAM et moi-même) qui permet de créer des réseaux de relations entre geste et temporalité, j’ai imaginé que le geste musical puisse façonner le tissu rythmique de la pièce à travers la réponse physiologique de l’interprète qui le joue. La fréquence cardiaque est utilisée pour guider les musiciens et même donner le tempo, au moyen de métronomes dont les battements, diffusés au sein de l’ensemble, sont audibles et font partie intégrante du discours musical. J’ai choisi de suivre («d’écouter») les paramètres physiologiques de trois des neuf instrumentistes de l’ensemble : flûte, percussion et violoncelle.
Placés chacun au cœur de trois sous-ensembles, ils développent au cours de la pièce des polyphonies entre plusieurs types d’hybridations des temps objectif et fluctuant. Dans le même temps, les données relevées sur ces trois interprètes sont manipulées pour aboutir à la forme la plus expressive et la plus perceptible possible.
Emanuele Palumbo

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