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pozzanghere | mezzo seccate (flaque d’eau | à moitié à sec) emprunte les mots de son titre, ainsi que l’inspiration de son livret, à I Limoni (Les citrons), qui ouvre le célèbre recueil Ossi di seppia (Os de seiche) du poète et prix Nobel italien Eugenio Montale (1896-1981). Ces trois mots y servent de métaphore au temps qui passe : les flaques d’eau sont évidemment liées au temps, à la météo, et «l’à moitié à sec » renforce le sentiment de la transition, tout en évoquant la nature même de l’eau, qui s’évapore sous l’effet de la chaleur. En italien, le mot «seccate », par sa dureté phonétique même, est puissamment évocateur.
Dans l’œuvre de Montale, et particulièrement dans ce poème, son écriture à la fois extrêmement subtile et raffinée témoigne d’un soin infini aux détails, pour décrire le plus souvent la simplicité concrète et sans apprêt du quotidien. Ce déploiement de moyens poétiques pénétrants, cette profondeur sémantique, cette recherche infinie de la langue, mis au service d’une image pure et apparemment banale, constitue un univers qui présente de grandes affinités avec mes idéaux musicaux.
pozzanghere | mezzo seccate flirte parfois avec un univers sonore homogène articulé par le quatuor avec contrebasse et l’accordéon qui, en fusionnant, amplifient et dramatisent cet espace du mystère que savent si bien convoquer les instruments à cordes.
Par opposition, le piano et la percussion incarnent du concret, le terrestre, le primordial : certains modes de jeu (avec des archets frottés sur les métaux, ou des crins de cheval glissant sur les cordes du piano) génèrent toutefois des éléments de résonance pure, qui transcendent la gravité et l’enracinement dû à leur nature percussive. Posés sur le discours évocateur des cordes et de l’accordéon, ils évoluent ainsi en équilibre entre le concret et l’épure, le tactile et l’éthéré – à l’instar de la poésie de Montale.
Ce petit ensemble est l’écrin dans lequel s’inscrivent les deux voix étroitement enlacées de la soprano et de la trompette.
Le rôle de la soprano est assez ambigu, voire amphibie : elle est bien sûr la voix, c’est-à-dire cet outil qui exprime langages et désirs, concepts et sentiments, mais elle aussi vecteur abstrait de sons, parfois dénués de sens. Son expressivité peut être lyrique et dramaturgique – donc élaborée, fabriquée selon des codes hérités de l’histoire – mais aussi le résultat d’une impulsion pure, débridée de toute pression sémantique.
Soulignant l’ambivalence de la soprano en même temps que libérant son champ d’action, la trompette est tour à tour son ombre ou son reflet (dans la flaque d’eau). Elle joue le jeu trouble du dédoublement et de l’accompagnement, de la tricherie et de l’antithèse : elle est la némésis de la voix, offrant sa propre version du discours, plus abstraite et insaisissable.
Se déployant telle un continuum, cette pièce est en quête d’un nouveau paradigme relationnel entre la voix et l’ensemble instrumental : jusqu’où peut-on aller, que peut-on raconter, donner à vivre, via la voix?
Comment la voix ouvre-t-elle l’écoute vers d’autres perceptions d’elle-même – au-delà du sémantique ou du lyrique ? Comment peut-elle nous éclairer, nous aider à avancer à l’intérieur de nous-mêmes, à vivre subjectivement cette expérience du son, cette expérience sonore, comme un voyage intérieur plutôt qu’un voyage d’observation ?
Oscar Bianchi (avec Jérémie Szpirglas)
9 janvier 2024 00:14:49
9 janvier 2024 00:16:06
9 janvier 2024 00:17:47
9 janvier 2024 00:20:42
22 février 2024 00:56:06
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