La série de mes pièces Intermezzi est inspirée par la pensée de Roland Barthes sur le discours fragmentaire. Nombre de ses livres sont écrits dans ce style, ses réflexions sur des sujets divers se succédant sans lien argumentaire préétabli. Cette forme de rhétorique lui permet de traduire la simultanéité des pensées, l’entrechoquement ou la condensation des idées. L’esprit du lecteur, forcé à la rupture permanente, est acculé à une synthèse d’un genre nouveau. Peut-être une manière élégante de cerner l’insaisissable par l’accumulation de ses manifestations.
« Ecrire par fragments : les fragments sont alors des pierres sur le pourtour du cercle : je m’étale en rond : tout mon petit univers en miettes; au centre, quoi ? »
« Quoi, lorsqu’on met des fragments à la suite, nulle organisation possible ? Si : le fragment est comme l’idée musicale d’un cycle (Bonne Chanson, Dichterliebe) : chaque pièce se suffit, et cependant elle n’est jamais que l’interstice de ses voisines : l’œuvre n’est faite que de hors-texte. L’homme qui a le mieux compris et pratiqué l’esthétique du fragment (avant Webern), c’est peut-être Schumann ; il appelait le fragment : intermezzo ; il a multiplié dans ses œuvres les intermezzi : tout ce qu’il produisait était finalement intercal : mais entre quoi et quoi ? Que veut dire une suite pure d’interruptions ? »
« Le fragment a son idéal : une haute condensation, non de pensée, ou de sagesse, ou de vérité (comme dans la Maxime), mais de musique : au développement, s’opposerait le ton, quelque chose d’articulé et de chanté, une diction : là devrait règner le timbre. Pièces brèves de Webern : pas de cadence : quelle souveraineté il met à tourner court ! » (Roland BARTHES par Roland Barthes).
Dans Intermezzi 1, les interprètes chuchotent une suite de mots empruntée à Roland Barthes : Incidents (mini-textes, plis, haïkus, notations, jeux de sens, tout ce qui tombe, comme une feuille).