Ius lucis est une œuvre pour deux ensembles dans deux salles, reliées l’une à l’autre. Chaque ensemble transforme la musique, en temps réel et de façon différente ; le degré d’interaction entraîne, pour chacune des deux perspectives, des combinaisons de synthèse sonore variées. La pièce doit donc être jouée deux fois, une fois pour chaque ensemble/espace. Après l’entracte, le public (divisé en deux groupes, dans chacune des deux salles) change d’espace et écoute la seconde partie, à la fois complémentaire de la première (plusieurs éléments et situations sonores réapparaissent et se recoupent dans la mémoire du public) et inédite (changement radical de la spatialisation et de l’instrumentation). La forme générale de l’œuvre est construite comme un palindrome (comme dans un miroir) ; la partie centrale, « éloge de l’ombre », est l’axe de cette symétrie, un tournant après lequel l’ensemble 2 rejoue (avec des changements importants) la musique donnée par l’ensemble 1, mais dans le mouvement inverse. Ce passage marque également le point de départ d’un « déphasage » temporel et métrique entre les deux groupes instrumentaux. Composée pour les salles du Centre Pompidou et de l’Ircam, cette pièce se fonde sur la notion d’« espace architectonique ».
Premièrement, la construction de l’ensemble 1 (stéréophonique) et de l’ensemble 2 (musiciens situés autour du public) permet une spatialisation « orchestrée ». Ensuite, les mouvements sonores de l’électronique (haut-parleurs) sont étroitement liés à la musique (accents, enveloppes, articulations « traduits » en combinaisons spatiales) ainsi qu’à la directivité instrumentale de la clarinette (variation de timbre suivant la direction que donne l’interprète à son instrument). Ces procédés sont mis en valeur par des échanges de mouvements sonores entre les deux salles et représentent une forme étendue de contrepoint. Enfin, l’étude de l’acoustique des salles (analyses des modes de résonance), utilisée dans la structure compositionnelle, a servie de véritable « gestalt » harmonique et rythmique.
Ich möchte am Gebäude, das sich Literatur nennt, das Vordach tief herabziehen, die Wände beschatten, was zu deutlich sichtbar wird, ins Dunkel zurückstoßen und überflüssige Innenverzierungen wegreißen.
J’aimerais élargir l’auvent de cet édifice, qui a pour nom « littérature », en obscurcir les murs, plonger dans l’ombre ce qui est trop visible, et en dépouiller l’intérieur de tout ornement superflu.
Tanizaki Junichiro, Éloge de l’ombre, traduit du japonais par René Sieffert, Publications Orientalistes de France, 1993.
Dans une œuvre conçue comme un diptyque, dont le véritable protagoniste est la mémoire en tant que « re-créatrice » de toutes les formes possibles, la musique est un réseau de sons, agrégats et profils qui ne connaissent jamais d’évolution linéaire.
Au contraire, ils se propagent, se replient sur eux-mêmes, s'étendent dans l' « espace » harmonique qui leur est attribué par un motif de structures qui, bien que complexe, est décrit comme un objet très simple : un palindrome.
Intense et inconstant, le flot des sons ne connaît que de rares pauses, le discours harmonique implose et se libère par moments dans des trouées imprévisibles, où seules quelques lignes soutiennent l’intégralité du discours.
Impalpables et éphémères, les sons de synthèse naissent des sons instrumentaux dont ils partagent la couleur, l'intensité et l'espace, et au centre duquel émerge, inquiétante et tellurique, une voix grave qui prend possession des deux lieux.
Valerio Sannicandro, Agora 2007.