Tout est connecté, tout bouge, respire, saigne. Une sorte d'intimité apparaît entre la forme du son (le timbre), la mécanique instrumentale et la structure de l'œuvre. Dans cette relation (hyper) idiomatique, c'est l'instrument qui fournit l'architecture des hauteurs sonores : une ligne descendant du 9e au 3e harmonique du trombone en première position. La structure médiane combine en cercles concentriques une montée « au galop » dans cette série des harmoniques à une descente dans les positions successives du trombone.
L'activité de la surface et les identités de gestes s'entrechoquent, se diluent et s'accumulent, dans un archipel de superpositions formelles. Comme le flux et le reflux de la mer, la forme musicale lentement s'élabore, et surgit « à fleur de peau » une myriade de détails dont la temporalité est brève. Il s'ensuit une forme de cubisme sonore, où tous les angles sont présents, non pas par distorsion de l'image mais par un changement continu de perspective, un mouvement détruisant constamment chaque point de vue fixé. Des couches perceptives s'accumulent et se craquellent, laissant apparaître tantôt la globalité de l'ensemble, tantôt la profondeur du détail.
Temps, espace, mémoire et désir : tout comme le visage de l'amant est différent s'il est lointain ou collé contre soi, l'événement sonore est perçu différemment selon sa distance. Le plus petit détail devient immense, l'image du son est vue, sentie, entendue ; et comme toujours, tout arrive au même moment.
Paul Steenhuisen, programme des concerts du Cursus de composition de l'Ircam, 29-30 septembre 1997, Espace de projection.