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Communément appelés par les journalistes sportifs à « laisser parler [leur] créativité » (Natation Magazine, n° 93, 2008), les entraîneures et le musicien de l’équipe de France sont en réalité contraints à composer avec ce qu’ils appellent « le goût des juges ». Selon eux, il s’agit donc de composer une musique qui « sonne bien » aux oreilles des juges, d’utiliser les bonnes « notes musicales » pour obtenir de bonnes « notes sportives ». Là où, dans le domaine artistique, la rupture avec les conventions peut accroître « les difficultés des artistes », les exposer « à l’obscurantisme » et réduire « la diffusion de leurs œuvres » (Becker, 1984 : 58), dans le cadre sportif, la transgression des normes musicales établies par les experts condamne les équipes au discrédit sportif.
Dans cette communication, nous nous intéresserons donc à la difficile congruence entre ce qu’ambitionnent musicalement les entraîneures et le compositeur (leurs ballets de « rêve ») et les compositions qu’ils se voient contraints de réaliser pour répondre aux attentes des juges. Partant de cette dialectique des goûts, nous analyserons l’organisation du processus de création musicale en natation synchronisée. Comment ces créateurs arrivent-t-ils à cerner les caractéristiques musicales qui permettront de convaincre les juges ? Quelles sont les conséquences pratiques et stylistiques du partage de l’activité créative sur les processus de création musical qu’ils mettent en œuvre ? Que se passe-t-il pour le musicien et les entraîneures lorsque ces derniers acceptent de s’en remettre au goût des juges ?
Nous répondrons à ces questions à partir de l’analyse de données recueillies durant une enquête sociomusicologique menée entre 2008 et 2014. Dans la lignée des sketch studies nous avons collecté les maquettes et les brouillons de certains des ballets de l’équipe de France afin de reconstruire la genèse de ces productions musicales et chorégraphiques.Les treize entretiens réalisés avec les entraîneures et le musicien de l’équipe de France, l’observation de trois compétitions internationales et l’analyse documentaire de plus de 300 articles publiés entre 1996 et 2013 dans un magazine spécialisé (Natation Magazine)sont venus étayer nos analyses musicales et nous ont permisd’appréhender la dimension collective et dynamique des processus de création musicale en natation synchronisée.
Afin d’éprouver leurs créations musicales et chorégraphiques les équipes se voient contraintes d’organiser des représentations non-officielles des ballets, d’inviter des juges nationaux à leurs entraînements et de recueillir les commentaires de ces officiels à l’issue de chaque compétition. Chacune des critiques et des remarques formulées par les juges à l’issue de ces rencontres donne lieu à la réactualisation des musiques de ballet. Que se passe-t-il lorsque les consommateurs-experts (juges) d’une création (ballet de natation synchronisée) participent de sa production ?
C’est l’organisation du calendrier de la création des musiques de ballet de même que les procédés de création adoptés par les entraîneures et le musicien qui se trouvent, en premier lieu, affectés par cette nécessité de s’ajuster aux goûts des juges. Ainsi, durant les périodes d’attente forcée entre deux rencontres avec les juges, les entraîneures décident généralement de passer commande de créations originales au compositeur. À contrario, à l’approche d’un grand rendez-vous international, les arrangements et les collages, plus rapides à réaliser, seront privilégiés. Nous constatons alors que l’influence des juges sur les processus créateurs dépasse les seules questions d’organisation pratique de la création pour déborder sur des questions esthétiques. Chaque remarque émise à l’issue des compétitions engage les créateurs à repenser en profondeur les caractéristiques des musiques de ballet, à en modifier l’orchestration, à en remanier la structure formelle ou encore à en reprendre totalement la composition.
Partant de ces premières constatations, nous nous interrogerons sur le statut des entraîneures et du compositeur dans ce cadre (Goffman, 1991). Que se passe-t-il socialement pour ces créateurs qui acceptent d’abandonner leurs ambitions artistiques au profit d’options stratégiques correspondant au « goût musical des juges » ? Frustrations, renonciations, et stratégies, la deuxième partie de notre propos fera apparaître l’écart qui sépare ces acteurs d’artistes ayant la possibilité de « négliger quand il le faut » les « réactions qu’ils anticipent chez les autres membres du monde de l’art » (Becker, 1984 : 217). Cette communication rendra compte d’un processus de création musical soumis à la coercition d’un cadre sportif. Plus largement, elle s’inscrira dans la continuité des travaux relevant de l’étude du travail artistique pensé en termes de créativité partagée. Elle donnera enfin un aperçu des méthodes et des concepts pouvant permettre de rendre compte des activités de « création appliquée » (design sonore, musiques de publicité, composition à l’image, musiques de jeux-vidéo) pris entre invention musicale et adaptation à un cahier des charges détaillé et contraignant.
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