Mon intervention s’appuie dans un premier temps sur les faits collectés et les propos exprimés par le médecin italien Cesare Lombroso (1835-1909), grande figure de la science italienne après l’Unité du pays, et amplement traduit en France.
Lombroso commence à s’intéresser aux relations entre génie et folie assez tôt dans sa carrière et sans jamais totalement l’abandonner. C’est au cours de ses différents livres qu’il va publier sur le sujet qu’il aborde l’existence d’un génie musical et affronte le parcours de quelques musiciens de son temps voire plus anciens.
Le thème du génie permet d’aborder des thématiques centrales de la médecine mentale européenne de cette période, telle que l’hérédité, hypothèse incontournable dans les troubles mentaux et nerveux. Si l’arrêt de développement est identifié parmi certains enfants, l’excès de développement chez plusieurs individus n’est-il pas envisageable ? Comment penser le génie et l’idiot si ce n’est à travers une échelle des aptitudes qui semble parfois correspondre à l’échelle des êtres dans la grande Histoire de la vie sur terre ? La création artistique ne passe-t-elle pas par des tourments intérieurs, la passion dévoratrice, que seuls les médecins de la psyché peuvent repérer ? S’intéresser à l’artiste, n’est-ce pas aussi définir la figure de l’homme ordinaire et normal dans des nations, pour certaines récentes, ou traversant des modifications du politique qui amène le régime démocratique et sa passion égalisatrice ? Mais la nation n’a-t-elle pas non plus besoin de héros, et ces derniers peuvent-ils être confondus à des génies ?
Ce sont quelques-unes de ces questions que Lombroso aborde sans toujours trouver un écho très favorable. Le débat qu’il suscite souligne combien les rapports entre le génie et les névroses constituent une thématique aussi séduisante que complexe. C’est pourquoi il sera nécessaire de replacer ce débat dans une plus longue durée puisque les thématiques du vivant de Lombroso ont été travaillées également au cours du vingtième siècle et dans notre temps contemporain. En effet certains des thèmes abordés tels que la sensibilité du musicien et l’idée de l’existence de génies sont toujours d’actualité et parfois sans se renouveler en totalité par rapport à des explorations plus anciennes.

Musique et maladie : jour 1

Entre histoire de la musique, histoire de la médecine et philosophie des sciences dans le monde occidental, ce colloque international se propose d’interroger les conditions et les méthodes de leur dialogue à l’âge moderne, du XVIIIe siècle à nos jours : études de cas, pathographies d’artistes, maladies et représentations du malade à l’opéra, spécialités médicales, psychiatriques, cardiologiques ou pneumologiques, à l’aune de l’œuvre… Comment comprendre la place accordée à la musique et au musicien dans les écrits médicaux, qu’ils relèvent de l’anatomie, de la physiologie ou de la thérapie ? Que retenir de l’intérêt des artistes eux-mêmes pour les sciences médicales ? Prises au sérieux et non réduites au rang de curiosités, ces questions ouvrent un vaste champ d’études, celui du corps du musicien, créateur aussi de symptômes. Comité scientifique : - Vincent Barras (Institut des humanités en médecine, Lausanne) - Laurent Feneyrou (CNRS – STMS, Paris), Céline Frigau Manning (Université Jean Moulin Lyon 3 – IHRIM) - Philippe Lalitte (Sorbonne Université – Iremus – Collegium Musicae, Paris) - Emmanuel Reibel (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris – École normale supérieure de Lyon).