Kammermusik X, Journal des pierres pour flûte, clarinette basse et piano fait partie d'un vaste cycle de pièces de musique de chambre entrepris dès 1970. Paul-Heinz Dittrich y a exploré les combinaisons instrumentales les plus inattendues, que ce soit pour quatre bois, piano et bande (Kammermusik I) ou pour cinq récitants, quintette à vent et clavecin (Kammermusik VII). Kammermusik X est une musique très intense, reliée à un texte poétique comme c'est souvent le cas chez le compositeur. Le texte, inscrit en contrepoint de la musique dans la partition, ne doit cependant pas être révélé. Il s'agit en l'occurence du poème La pierre d'Ossip Mandelstam dans la traduction allemande de Paul Celan. La puissance concentrée du poème est reflétée dans l'extrême densité de la matière musicale. L'écriture est à ce point saturée que le compositeur a noté les parties de flûte et clarinette basse sur plusieurs portées. La flûte peut ainsi simuler à elle seule jusqu'à trois voix superposées. De plus, la notation rythmique est très complexe. Le déroulement de Kammermusik X est un flot continu au cours duquel les instruments s'opposent ou se complètent. On perçoit plus un développement musical né d'une violence expressionniste qu'un ordonnancement rationnel. Cependant, un élément en accords descendants vient souvent ponctuer le discours et c'est avec lui que va se conclure l'œuvre. Au cœur de la pièce, en un moment de calme relatif, des accords répétés très doux apparaissent en concordance avec le texte poétique connu des musiciens seuls. Après cet épisode, le trio instrumental s'oriente vers des structures de plus en plus homorythmiques, comme s'il s'agissait de signifier le passage du chaos vers l'union.