Y a-t-il à cette pièce, Nexus, quel-qu’inspiration extramusicale ? Je pense à Henry Miller, par exemple, ou aux différentes significations du mot, dans les domaines de la linguistique ou de la médecine ?
Je tire mon inspiration de nombreuses sources extramusicales : littérature, architecture, philosophie analytique ou neuroscience. Toutefois, je ne m’y réfère jamais directement dans mes compositions. Elles me servent seulement parfois de support. J’ai toujours voulu composer une musique qui communique de manière indépendante avec l’auditeur, défait de toute image interférente.
Alors pourquoi ce titre : Nexus ?
Le terme « nexus » signifie pour moi autant « connexion » que « lien », ou « point de jonction ». J’ai délibérément choisi ce terme abstrait car je ne voulais pas faire de référence extramusicale trop caractérisée. D’une part, je voulais travailler sur un mètre composé de mesures symétriquement organisées. D’autre part, je m’interrogeais sur la possibilité, en élargissant le champ d’application de cette technique, de créer des unités formelles à plus grande échelle. Durant le processus compositionnel, j’ai donc étroitement intriqué les différentes approches rythmiques, mélodiques et harmoniques, afin de suggérer une oscillation qui fait que chaque mesure semble attirée par la suivante – et que chaque groupe de mesures semble attiré par le groupe suivant. Toutefois, je ne considère pas cet aspect technique comme une fin en soi, mais comme le principal moyen de réaliser mes intentions musicales. au début du travail, j’avais à l’esprit l’image d’un ruban flottant librement au vent, irisé et miroitant. Puis, peu à peu, j’ai commencé à étendre cette impression globale de couleur et d’apesanteur à mon travail de détail sur les dispositions symétriques dont je parlais tout à l’heure.
Comment cette pièce s’inscrit-elle dans votre corpus ?
Je suis encore jeune. J’hésite donc à me lancer dans une classification de mes compositions ou à en pointer les éventuelles similitudes. Toutefois, certains sujets sont récurrents dans mon travail comme, par exemple, de considérer l’instrumentation, l’évolution des timbres et des couleurs, comme partie intégrante du développement du matériau musical. Le timbre d’un motif ou d’un objet n’est pas pour moi quelque chose qui s’y surimpose dans un second temps, mais un aspect inhérent à l’objet lui-même. J’irai même plus loin : je suis fasciné par la genèse de la forme en tant que processus en soi – je me méfie en général des concepts formels prédéterminés. Dans ma recherche d’une téléologie, j’essaie de travailler avec des stratégies formelles qui se repensent elles-mêmes à chaque étape.
Propos recueillis par Jérémie Szpirglas, concert du 15 avril 2011, Centre Pompidou.