Le chef d’orchestre est le point focal de tout ensemble ou orchestre, et, quand bien même elle ou il se tient le dos tourné au public, le chef reste celle ou celui qui porte le message musical des musiciens aux auditeurs. La gestique du chef est donc porteuse de nombreuses connotations et peut être considérée de bien des manières, du strict battement métronomique aux gestes mystérieux d’un magicien en pleine incantation.
Sculpting the Air est le premier volet d’une trilogie de pièces qui explorent chacune à leur manière le concept « d’exformation », et peut tout aussi bien s’entendre comme un concerto pour chef.
Le terme « exformation », que l’on doit à l’essayiste et scientifique danois Tor Nørretranders dans son essai The User Illusion : CuttingConsciousness Down to Size (1998), désigne tout ce qui n’est pas dit effectivement, mais qui est présent dans nos pensées au moment, ou avant, de parler – là où l’information est le discours mesurable et démontrable que nous prononçons réellement.
Les gestes du chef portent donc de nombreuses exformations qui, bien sûr, diffèrent grandement selon la personne qui les regarde (musicien,auditeur...). Mais la quantité relativement restreinte d’informations mesurables dans ses mouvements se prête parfaitement à une première expérience fouillée des exformations du point de vue musical. On prendra par exemple les gestes ordinaires du chef pour les placer dans un contexte nouveau et étendu, dans lequel leurs effets seront différents. Dans cette pièce, le chef dirige non seulement un ensemble divisé en deux, mais aussi deux capteurs de mouvements qui contrôlent tout le dispositif électronique en même temps qu’il joue directement sur des objets physiques suspendus devant lui.
Jesper Nordin, programme ManiFeste-2015 (tr: J.S.).