NĂ© en 1951, Ă Shanghai, dans une famille trĂšs attachĂ©e Ă la culture traditionnelle, Qigang Chen est dĂšs le plus jeune Ăąge exposĂ© Ă un environnement oĂč lâart se confond avec le quotidien. Son pĂšre perpĂ©tue la figure du lettrĂ© chinois, voire de lâ« homme de bien » confucĂ©en. Peintre et calligraphe, il est aussi musicien Ă ses heures, sâessayant Ă plusieurs instruments traditionnels. Pianiste et professeur, sa mĂšre a fait des tentatives infructueuses en tant que compositrice. Tous deux, ayant pris part dans les annĂ©es 1930 au mouvement rĂ©volutionnaire, accĂšdent Ă des postes de pouvoir, le premier au MinistĂšre de la Culture et la seconde en tant que directrice de la musique de cinĂ©ma documentaire. La famille dĂ©mĂ©nage Ă PĂ©kin, oĂč Chen passera la majeure partie de son enfance. ĂgĂ© de treize ans, il intĂšgre un collĂšge rattachĂ© au Conservatoire Central, oĂč il Ă©tudiera la clarinette pendant quatorze ans. Sa formation musicale est interrompue en 1966 par la RĂ©volution Culturelle, laquelle balaie tout ce qui sâinspire du modĂšle dâenseignement occidental. AccusĂ© dâĂȘtre antirĂ©volutionnaire, il doit travailler dans une commune agricole. Le jeune Qigang est isolĂ© Ă lâĂ©cole, marginalisĂ© Ă cause du statut de « bourgeois » de son pĂšre. De 1970 Ă 1973, il sera consignĂ© dans la caserne de Baoding (province du Hebei) pour « rĂ©Ă©ducation idĂ©ologique », sans contact avec lâextĂ©rieur. Cependant, Ă partir de 1970, un lĂ©ger assouplissement lui permet dâĂ©tudier Ă nouveau la musique.
En 1973, il intĂšgre lâorchestre de Hangzhou (Zhejiang), dont il sera clarinette solo pendant trois ans, puis chef pendant deux ans, et commence Ă Ă©tudier la composition en autodidacte. La fin de la RĂ©volution Culturelle en 1976 permet que se tienne en 1977 le concours de recrutement du Conservatoire Central de PĂ©kin, oĂč Chen sera reçu premier en clarinette et douziĂšme en composition, discipline quâil choisira sans hĂ©siter. Pendant cinq ans (1978-82) il Ă©tudie avec Luo Zhongrong et se forme en harmonie, contrepoint et orchestration. Câest pendant ces annĂ©es dâĂ©tudes, Ă lâoccasion de confĂ©rences et masterclasses donnĂ©es par des invitĂ©s occidentaux, quâil devient conscient de lâeffervescence musicale occidentale. Parmi les invitĂ©s, Alexander Goehr, alors professeur Ă Cambridge, prĂ©sente les compositeurs de lâĂ©cole de Vienne, mais aussi Boulez, Xenakis, Messiaen.
Un diplĂŽme de Bachelor oĂč il est premier nommĂ© lui permet de bĂ©nĂ©ficier dâun sĂ©jour dâĂ©tudes en France, destination dĂ©terminĂ©e par un programme dâĂ©changes entre les deux Ă©tats. Il arrive Ă Bordeaux en juillet 1984, puis prend contact avec Olivier Messiaen qui, bien que retraitĂ© du CNSM de Paris, lui donne des leçons privĂ©es de 1984 Ă 1988, faisant de lui son dernier Ă©lĂšve. Sa bourse Ă©tant conditionnĂ©e Ă lâobtention de diplĂŽmes, il sâinscrit Ă lâuniversitĂ© Paris IV-Sorbonne, oĂč il obtient un diplĂŽme en musicologie en 1989. Il est en outre auditeur libre au CNSM, oĂč il suit principalement lâenseignement dâIvo Malec, mais aussi celui de Betsy Jolas. Il recevra aussi lâenseignement de Claude Ballif et de Jacques CastĂ©rĂšde Ă lâĂcole Normale de Musique, oĂč il reçoit un DiploÌme SupeÌrieur de Composition en 1988.
La reconnaissance ne tarde pas, et commence en 1986 par un prix au Concours International de Composition de Paris pour la piĂšce Yi. Dâautres prix suivront, notamment Ă Darmstadt, Ă lâinstigation de Brian Ferneyhough, pour Voyage dâun rĂȘve, puis en 1989 et 1991.
Chen est naturalisĂ© français en 1992, davantage selon lui pour des questions pratiques et pour la libertĂ© de circulation que par conviction. Son retour provisoire en Chine en 2003 lui laisse dâailleurs entrevoir une possible rĂ©conciliation avec un systĂšme politique dont il mesure alors le changement, et avec un pays dont il reçoit tous les honneurs officiels en tant que directeur musical de la cĂ©rĂ©monie dâouverture des Jeux Olympiques 2008. Les musiques composĂ©es pour trois films de Zhang Yimou (2010, 2011 et 2014) prolongeront ce mouvement vers une musique largement accessible.
Bien quâil se consacre pleinement Ă la composition et nâoccupe pas de poste dâenseignement, Chen a organisĂ© Ă partir de janvier 2015 une acadĂ©mie de composition, le « Gonggeng College - Chen Qigang Music Workshop » Ă Huangniling (Suichang, Zhejiang). Cet atelier annuel accueillant une vingtaine dâĂ©tudiants Ă titre gracieux est pour lui lâoccasion de transmettre son expĂ©rience et ses idĂ©es autant que de rester en prise avec les prĂ©occupations des jeunes compositeurs dans une Chine qui change vite.