ARIADNA_TARRES_Split_screen_vestige_CMBV_Espro_22juin23_Concert.mp3

Composé par Ariadna Alsina Tarrés , concert du 22 juin 2023

informations

évènements
Janus
Type
Concert
Lieu de représentation
Ircam, Espace de projection (Paris)
durée
28 min
date
22 juin 2023
note de programme
Janus

enregistrement © Ircam - Anaëlle Marsollier

  • -
    Commande conjointe de l’Ircam et du Centre de musique baroque de Versailles dans le cadre de leur projet de collaboration « Janus», la composition de cette pièce a été l’occasion pour moi de replonger dans le répertoire baroque français, dont certains thèmes m’ont tout particulièrement interpellée. Je me suis notamment découvert une fascination pour toutes ces œuvres qui ont trait à l’Apocalypse ou aux lamentations des fidèles. Leurs accents me semblent résonner fortement dans le contexte actuel : celui d’une planète que, selon les experts, les populations humaines auraient rendue hostile – jusqu’à une nautodestruction annoncée, que l’on pourrait peutêtre retarder, mais nullement éviter. «Ralentir la fin du monde » pourrait ainsi être, si elle en avait un, le sous-titre de ma pièce : c’est là notre dernier espoir, et la seule action, hélas trop tardive, que nous puissions entreprendre – les lamentations mises à part, justement.
    Articulant le cœur artistique des deux institutions qui en sont à l’origine, Split Screen Vestiges se veut le lieu d’une réflexion sur notre rapport, non seulement navec le passé mais aussi avec le futur.
    Le titre fait ainsi référence à une double perspective. D’une part, le rapport au répertoire baroque, lequel a été redécouvert puis «reconstruit» à partir de différents documents et sources d’époque, jusqu’à parvenir à des interprétations que l’on peut qualifier d’« historiquement documentées», au sens où elles tentent de restituer le geste musical tel qu’on pouvait l’entendre à l’époque de sa création première. Ce geste s’inscrivait également dans une acoustique, via l’architecture qui l’accueillait – en l’occurrence, pour le baroque sacré français, une grande partie était donnée à la Chapelle royale du château de Versailles. Dans le cadre du programme « Janus», les chercheurs et ingénieurs de l’Ircam ont modélisé l’empreinte acoustique de cette Chapelle royale, pour pouvoir la restituer dans la salle de concert et permettre au public et aux musiciens d’entendre les voix et instruments comme s’ils étaient dans la Chapelle royale.
    Par ailleurs, le dispositif de diffusion ambisonique me permet de jouer avec la spatialisation des sons électroniques et les transformations des voix du chœur. L’évocation d’un espace-lieu (par extension, un lieu du passé) devient un élément compositionnel et dramaturgique, pour proposer une écoute immersive invitant à la réflexion sur la mémoire. La référence au baroque passe également par des fragments d’œuvre, en l’occurrence le grand motet O Lachrymae de Lully, présents dans la bande électronique et chantés par le chœur. Dans l’électronique, ces fragments apparaissent transformés, comme si le son avait été dégradé, érodé, par le temps – ou détruits par la rage et la haine humaines. Je génère ainsi des masses sonores contenant comme des vestiges d’une couleur harmonique.
    En contrepoint, j’ai choisi de mettre en musique des fragments de poèmes contemporains de la poète et critique littéraire britannique Zoë Skoulding et du poète, essayiste et romancier portugais Nuno Júdice. S’en dégage également l’idée de «ruine », qui a été ici pour moi une riche source d’inspiration – notamment via la lecture de l’ouvrage de Diane Scott: Ruine, Invention d’un objet (Les Prairies Ordinaires, 2019). L’autrice y analyse, entre autres, la fascination et l’esthétisation contemporaines des ruines de catastrophes, en tant que signe d’une déconnexion croissante entre vestiges et histoire : ainsi des voyages touristiques organisés à Tchernobyl, vendus comme une vulgaire expérience de consommation, sans réflexion aucune sur la réalité sociale et historique du lieu.
    Les quatre tableaux de la pièce alternent entre ces deux perspectives, les différents matériaux musicaux étant tour à tour entendus tels qu’en eux-mêmes ou éclatés et distordus. L’écriture vocale elle-même, ainsi que les traitements qui y sont appliqués, reflètent la poétique des textes, basculant entre textures flottantes et continues (à la manière de surfaces en relief lissées par le temps), et articulation courte et rapide.
    Ariadna Alsina Tarrés

Janus

Janus réunit le Centre de musique baroque de Versailles et l’Ircam : une rencontre inédite entre le présent et le siècle classique, entre la création avec électronique et la musique vocale du XVIIe siècle. Le renouveau prodigieux du baroque dans les années 1960 correspond à l’essor de la musique contemporaine, avec l’émergence d’ensembles musicaux hors des systèmes philharmoniques. Le foisonnement des formes musicales aux XVIIe et XVIIIe siècles ne peut se comparer qu’aux bouleversements vécus par le XXe. Autant de raisons fondatrices pour Janus. Les contraintes de l’écriture pour une maîtrise vocale ont été intégrées par Ariadna Alsina Tarrés. Celle-ci trouve sa source d’inspiration dans les Lachrymae de Pierre Perrin, utilisé par Jean-Baptiste Lully, le traitement du signal venant éroder le son. Pour parachever l’effet « Janus », ce présent du passé, l’acoustique de Versailles a été modélisée, pour transformer, le temps d’une soirée, l’Espace de projection en Chapelle royale.

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