• Set Séminaires MaMuPhi
  • Saison 2017-2018 - None - None > Mathématiques, philosophie et musiques actuelles
  • Nov. 18, 2017
  • Ircam, Paris
Participants
  • Frédéric Bisson (conférencier)

La musique a été ontologiquement renouvelée par la technologie d’enregistrement, ce fait remarquable a été dûment reconnu par la philosophie contemporaine, notamment par les théories de Theodore Gracyk ou de Roger Pouivet. Ces théories distinguent entre les œuvres musicales dont l’existence ne dépend pas de leur enregistrement, et les œuvres « phonographiques » qui, au contraire, n’existeraient pas sans l’enregistrement qui les a construites. Mais cette différence n’est peut-être pas si essentielle. Je défendrai une différence très différente. La phonographie ne désigne pas étroitement une catégorie d’œuvres, mais un nouvel état de l’expérience musicale, au sens où la physique parle des états solide, liquide et gazeux de la matière. Or, les états musicaux ne sont pas substantiels, ils entrent dans un système de transitions. L’enregistrement d’une œuvre notationnelle (état gazeux) ou d’un concert (état liquide) les fait changer d’état : il les « solidifie ». Et, réciproquement, une œuvre aussi solide qu’une « œuvre phonographique » est toujours en surfusion : elle conserve des gouttes d’événements, qui sont essentielles à son appréciation adéquate. Dans une telle reconception, la notion d’ « authenticité », appliquée à l’enregistrement musical, pourra-t-elle demeurer pertinente ?

Mathématiques, philosophie et musiques actuelles

Cette séance est consacrée à la popular music, terme dont l'équivalent français serait celui de « musique populaire enregistrée », comme le suggère Agnès Gayraud, ou « musiques actuelles », si l'on se tient à une classification institutionnelle et académique, désignant à la fois le rock, la pop, le jazz et la chanson. Bien que considérées traditionnellement en opposition à la catégorie de musique savante, autour de laquelle et sur laquelle s'est concentrée l'analyse musicale - de la naissance de la musicologie systématique chez Guido Adler jusqu'à la musicologie générale de Jean-Jacques Nattiez - les musiques dites « actuelles » constituent le terrain idéal pour confronter des orientations philosophiques que l'on n'a pas l'habitude de faire dialoguer. Loin de s'opposer ou, pire, de s'ignorer, philosophie analytique et philosophie continentale peuvent trouver dans la popular music un objet d'étude singulier sur lequel comparer leurs propres méthodes avec un double regard, à la fois sur l'enregistrement mais aussi sur l'acte créatif sousjacent. On glissera ainsi progressivement de l'enregistrement à l'analyse formelle des processus compositionnels à travers deux démarches créatives, l'une puisant ses sources dans une philosophie critique et l'autre inspirée directement d'une activité de recherche autour de la formalisation mathématique.

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