Quelles sont les machines qui déterminent la pensée ? Nous pouvons aborder cette question de plusieurs manières. L’approche typique consiste à envisager (ou peut-être même à élaborer) une philosophie des médias. On parle alors d’études ou de théorie des médias, où les artefacts médiatiques sont considérés comme des objets de la pensée. Mais il existe aussi une autre approche, celle du média de la philosophie, où les conditions a priori de la philosophie elles-mêmes occupent le devant de la scène, englobant la pensée comme une sorte d’objet. Car si « les médias déterminent notre situation », comme l’a dit Friedrich Kittler, ainsi qu’il l’a notoirement formulé, n’est-il pas vrai également que les philosophies s’adaptent en fonction des conditions changeantes de la technologie des médias ? Dans cette conférence, nous explorerons une série d’arguments philosophiques venant du domaine des machines et des ordinateurs – le Grundig de Heidegger, le Schreibkugel de Nietzsche, le Macintosh Plus de Derrida, le réseau neuronal de Malabou – comme toile de fond pour un autre type d’enquête, à savoir que nos instruments d’écriture non seulement contribuent à nos pensées, mais que nos pensées elles-mêmes sont aussi des instruments.