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En introduisant, dans les années 1990, la notion de concordance harmonique, il ne s’agissait pas seulement de trouver une explication de plus à la longue suite des propositions de modélisation physique du phénomène harmonique, mais de comprendre ce qui en faisait le ressort le plus intime. Le formalisme temps/fréquence tel qu’il émerge de la notation proposée par Dirac dans le cadre de la physique quantique, appliqué au signal acoustique, permet de donner une consistance à l’idée de « terme de couplage » de la physique quantique, très utile à l’analyse de certains objets complexes comme les molécules, dans la superposition de deux ondes sonores quelconques. On peut aussi comprendre la concordance comme mesure d’une orthogonalité entre deux éléments sonores, dans un espace vectoriel issu des considérations de Fourier, son écriture n’étant finalement qu’une forme généralisée du théorème de Pythagore. Mais le plus essentiel c’est que par la concordance, le phénomène harmonique est lié non plus à des spéculations numériques, mais à la notion d’énergie.
Le terme de concordance a été introduit historiquement par Carl Stumpf, dans un débat qui l’opposait à la «psychophysique» d’Helmoltz, ce que j’ignorais en 1994. Le phénomène des battements n’est en effet qu’un aspect résultant de la superposition des ondes, et il est particu- lièrement brouillé et peu probant dès que celles-ci présentent une certaine complexité. Les idées de Stumpf sont déjà présentes en France dans L’esthétique scientifique de Charles Lalo (1908), et on les retrouvera chez Edmond Costère ou chez Pierre Schaeffer. Les débats et les propositions qui en ont été issus sont aujourd’hui bien oubliés. Mais ils nous rappellent, comme le soulignait Rameau, la difficulté d’établir une vérité scientifique à partir d’une pratique familière.
Après un siècle où elle a fait figure de repoussoir ou d’impensé musical, à l’heure où cer- tains compositeurs proclament ouvertement sa mort, on essaiera de montrer que les musiciens n’en ont pas fini avec l’harmonie, et qu’au contraire la notion de concordance permet de repenser l’agencement spectral des sons bien au-delà de ce que Rameau et bien plus tard l’école spectrale ont pu envisager. En rendant explicite le rapport harmonie/timbre, et en prenant en compte les aspects dynamiques de son évolution, c’est à un renouvellement profond de notre rapport à cet aspect fondamental de l’art musical que nous sommes conviés.
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